Locke - Second traité du gouvernement (1690)
John Locke - Second traité du gouvernement (1690)
Résumé des cinq premiers chapitres par César Valentine
John Locke 1632 -1704 Angleterre
CHAPITRE I - RAPPEL DE L'ESSAI PRÉCÉDENT
- Adam n'avait reçu de Dieu aucune autorité sur ses enfants ni aucun empire sur le monde.
- Et s'il possédait ce droit, ses descendants ne le possédaient point.
- Et même si ses descendants avaient ce droit, il n'existait aucune loi naturelle ou positive capable de dire qui parmi les hommes aurait un droit de gouverner.
- Et même si ces droits avaient été déterminés, personne plus qu'un autre n'aurait pu se revendiquer descendant d'Adam.
- Donc personne aujourd'hui ne peut se revendiquer d'un lien spécial avec Adam lui conférant une autorité. Et si on ne veut pas dire que le gouvernement est le produit de la force et de la violence, il faut découvrir la véritable origine du pouvoir politique.
- Il faut définir le pouvoir politique et le distinguer des autres pouvoirs. Donc distinguer le pouvoir du magistrat du pouvoir du maître, du mari, du père.
- Le pouvoir politique est le droit de faire des lois afin de réglementer et de protéger la propriété, et le droit d'employer la force publique pour exécuter les lois et défendre l'état contre ses ennemis.
CHAPITRE II - DE L'ÉTAT DE NATURE
- Les hommes sont naturellement libres de faire ce qu'ils veulent à l'intérieur des bornes de la loi de la nature.
Les hommes sont égaux. Donc tout pouvoir est réciproque, car nous sommes de la même espèce et du même ordre.
- C'est parce que les hommes sont égaux qu'ils ont des devoirs de justice les uns envers les autres.
- L'état de nature est un état de liberté, ce n'est pas un état de licence.
L'homme dispose comme il veut de lui-même et de ce qu'il possède. Il n'a ni la liberté, ni le droit de se suicider, de faire du tort à un autre et à ce qu'un autre possède. Il doit faire de sa liberté le meilleur usage.
La raison donne la loi de la nature. Ou plutôt, la loi de la nature est la raison elle-même. Elle enseigne que puisque nous sommes tous égaux et créatures de dieu, on ne doit pas se nuire. Car nous ne sommes pas faits pour les usages les uns des autres, à la manière des animaux qui sont faits pour notre usage.
De plus chacun doit selon ses forces prendre soin du reste des hommes.
- L'homme a le droit de punir celui qui ne respecte pas ces lois. La fin de la punition étant d'empêcher que le coupable ne recommence.
Une loi n'est utile que si elle a le pouvoir de s'exécuter.
- Dans l'état de nature, chacun a un droit sur un autre. Mais ce pouvoir n'est pas absolu et arbitraire : on ne doit pas s'adonner à toutes les fureurs, la raison doit ordonner des peines proportionnelles à la faute afin de réparer le dommage et empêcher que la faute ne se reproduise. Ce sont les deux seules raisons légitimes de faire du mal à un autre.
Violer les lois de la nature équivaut à ne pas se conduire selon la raison.
- Les princes punissent aussi les criminels étrangers. Or selon l'origine même de l'autorité du prince, ce dernier ne devrait pas avoir autorité sur un étranger, puisque justement le souverain n'est souverain que pour ses sujets, mais en aucun cas n'est souverain d'un étranger.
En punissant les étrangers, les princes eux-mêmes prouvent par là qu'ils appliquent la loi de la nature et non une prétendue autorité provenant d'un lignage.
- La victime a le droit de demander réparation.
- Le magistrat a le droit de punir et de pardonner (s'il n'y a pas de réclamation de la part des victimes). La victime a le droit de demander réparation par le droit de conservation. Les autres peuvent, en quelque sorte, se constituer victime, en tant que le coupable porte préjudice à l'ensemble de la communauté. C'est en cela qu'on a le droit de tuer un meurtrier pour servir d'exemple (toujours dans l'état de nature). Donc déclarer la guerre à un homme, c'est déclarer la guerre à tous les membres de la communauté. Le criminel perd son statut d'homme et devient telle une bête, c'est-à-dire sans raison.
- Il est plus simple de comprendre les lois de nature dictées par la raison que les lois positives des sociétés, qui sont souvent fantaisistes.
Dans l'état de nature, celui qui applique les punitions est de fait celui qui a la force nécessaire de le faire.
- Bien sûr, les hommes ne peuvent pas être de bons juges dans leur propre corps car ils ne sont pas impartiaux. Les partisans des puissances souveraines diront donc que le gouvernement civil est le remède aux inconvénients de l'état de nature. Or le souverain est lui aussi un homme, donc l'autorité du souverain doit être abrogée car tout le monde doit se soumettre au pouvoir absolu du souverain.
Mais dans l'état de nature, si un homme juge injustement, tous les autres ont le droit de l'empêcher de nuire. Donc l'état de nature est plus juste que l'état du souverain absolu.
- On pose souvent la question « quand est-ce que les hommes ont été dans cet état de nature ? » Mais les différents États entre eux sont dans l'état de nature, puisqu'ils ne forment pas ensemble une seule et même communauté.
Ce n'est pas tous les accords qui permettent de sortir de l'état de nature, c'est uniquement l'accord par lequel on entre volontairement dans une société qui le permet.
Sincérité et fidélité sont des lois de la raison, donc des lois de la nature. Elles ne résultent pas des lois positives de la société.
- Les lois de la nature sont forcément suivies par les hommes dans l'état de nature, du fait que tout seul et livré à lui-même, l'homme ne peut survivre. Les hommes s'unissent pour survivre et cela même sans convention.
CHAPITRE III - DE L'ÉTAT DE GUERRE
- J'ai le droit de détruire ce qui me menace de destruction.
- Celui qui veut me rendre esclave se met en guerre contre moi. Celui qui veut ravir la liberté des autres a aussi la volonté de ravir tout le reste puisque la liberté est le fondement de tout le reste.
- J'ai donc le droit de tuer celui qui voudrait me voler la liberté et me mettre en son pouvoir, car nécessairement il en viendrait à me dépouiller une fois ma personne en sa possession.
- L'état de nature c'est quand les hommes vivent ensemble conformément à la raison sans aucun supérieur ayant l'autorité de juger leurs différends. Toute violence ou intention de violence envers un individu conduit à l'état de guerre.
Dans l'état de nature il n'y a pas de juge. Une société sans juge se trouve soit dans l'état de nature, soit dans l'état de guerre.
Chacun a le droit à la légitime défense dans l'état de nature bien sûr, mais aussi dans l'état du droit positif.
- Les lois sont le remède à l'état de guerre. Une société où certains sont au-dessus des lois équivaut à un état de guerre.
Le but des lois est de protéger l'innocent et de prononcer des jugements équitables. Quand on ne peut plus attendre de la justice qu'elle soit juste, on n'a plus qu'à s'en remettre à la justice du ciel.
- C'est donc pour éviter l'état de guerre que les hommes ont quitté l'état de nature et ont formé des sociétés. Une autorité commune à tous les individus d'une société empêche l'état de guerre. Mais quand il n'y a pas de juge, c'est à chacun de juger en lui-même (avec toutes les difficultés que ça comporte).
CHAPITRE IV - DE L'ESCLAVAGE
- La liberté naturelle = ne reconnaître aucune autorité autre que les lois de la nature.
La liberté civile = ne reconnaître que l'autorité établie par le consentement de la communauté, ainsi que l'autorité que l'on reconnaît par soi-même.
La liberté n'est donc pas de faire ce que l'on veut (qui est le libertinage et la licence). La liberté, dans l'état civil, est de suivre une règle commune qui satisfait les volontés de chacun sans entraver les volontés des autres.
- Cette liberté qui empêche d'être esclave d'un autre est nécessaire à la conservation de l'homme.
Puisque l'homme n'a pas de pouvoir sur sa propre vie, il ne peut pas se rendre esclave volontairement.
Une victime peut toujours décider de ne pas exécuter le coupable et d'en faire son esclave. Il ne lui fait par là aucun tort car le criminel peut toujours désobéir à son maître pour s'attirer la mort s’il préfère la mort à l'esclavage.
- Donc l'état de l'esclavage est la continuité de l'état de guerre entre un légitime conquérant et un prisonnier. Tout accord limitant le pouvoir du conquérant et l'obéissance du prisonnier met un terme à l'état de guerre et d'esclavage. Mais quand le conquérant a accordé la vie au prisonnier en en faisant son esclave, c'est alors un contrat qui ôte au conquérant le droit de vie sur son prisonnier (contradictoire avec le paragraphe 23 ?).
Parmi les juifs et les autres nations, les hommes se vendaient eux-mêmes. Mais ils se vendaient comme serviteur et non comme esclave. De sorte que leur maître n'avait pas un pouvoir sur leur vie.
CHAPITRE V - DE LA PROPRIÉTÉ DES CHOSES
- Du point de vue de la raison naturelle ou de la révélation, la terre semble appartenir en commun à tous les hommes. Il est donc difficile d'établir la propriété des biens, mais je vais tâcher de résoudre cette difficulté.
- Dieu a donné aux hommes la terre et la raison pour faire des deux l'usage le plus avantageux. Dans l'état de nature l'homme cueille et chasse mais ne cultive pas, donc rien n'appartient à un homme plus qu'à un autre car tout est donné par la nature, ou plus précisément par Dieu qui est le maître de la nature. Cependant, le fruit qui est cueilli ou le gibier qui est chassé par un sauvage des Indes lui appartient en propre de fait qu'il l'a cueilli ou chassé lui-même. Aucun autre n'y a droit à moins que cette nourriture ne soit nécessaire à la conservation de sa vie.
- La terre et les animaux appartiennent aux hommes, mais chaque homme a un droit particulier sur sa propre personne. Son travail est son bien propre. Tout ce qui est le produit de son travail appartient à lui seul du moment qu'il reste aux autres assez de choses semblables.
- Les fruits appartiennent à un homme au moment où il a pris la peine de les cueillir. Son travail distingue alors ces fruits qu'il a cueillis des autres fruits en commun. Il y ajoute quelque chose de plus que la nature commune à tous n'y a mis. Et c'est par ce moyen que ces fruits deviennent son bien. Le travail qui est le mien met les choses hors de l'état commun et me les a appropriées.
- S'il fallait un consentement de toute une communauté pour s'approprier une partie de ce qui est en commun, alors des enfants ne pourraient rien prendre de ce que leur père leur aurait donné en commun.
L'eau d'une fontaine appartient à tous, mais si quelqu'un en a rempli sa cruche, l'eau contenue dans la cruche lui appartient car c'est sa peine qui a tiré l'eau.
- Voilà pourquoi le poisson qui est pêché appartient au pêcheur. Ainsi, le simple fait de poursuivre un animal lors d'une chasse fait que l'animal appartient déjà au chasseur avant même que ce dernier ne l'ait attrapé. Car il emploie déjà sa peine et son industrie pour le poursuivre et le prendre.
- On peut objecter alors qu'un homme aurait le droit de cueillir autant de fruits qu'il voudrait. Mais selon la loi de la nature ce droit n'est pas illimité. Car la raison nous dit que la propriété des biens acquis par le travail doit être modérée. On ne doit pas prendre plus de choses que ce dont on a besoin, car alors on risque de prendre ce qui appartient aux autres. Mais on ne doit pas non plus laisser se corrompre les biens que la nature nous donne. Si ces règles sont respectées il y a suffisamment dans la nature pour tous les hommes.
- On peut acquérir la propriété du sol de la même manière qu'avec les fruits : en travaillant la terre on en fait son bien particulier. Car quand Dieu a donné la terre aux hommes il leur a en même temps commandé de travailler. La raison elle-même ordonne à l'homme de travailler la terre.
- En s'appropriant un coin de terre on ne fait aucun mal aux autres hommes car il y a assez de terre pour tous. De la même façon, une grande rivière fournit assez d'eau pour tous.
- Dieu a donné la terre aux hommes pour qu'ils la travaillent. Il ne l'a pas donné pour qu'elle soit l'objet de l'avarice des querelleurs.
Celui qui a assez de terre en rapport avec sa force de travail n'a pas à se plaindre, ni ne doit convoiter la terre d'un autre.
- Il est vrai que pour un pays comme l'Angleterre, le grand nombre de gens fait qu'il est impossible de s'approprier la moindre parcelle de terre sans le consentement de toute la société. Mais ces terres sont laissées libres par les lois du pays. Elles sont la propriété du pays et tous les citoyens tirent avantages de ces terres communes.
Au commencement du monde, les choses étaient différentes et les hommes devaient travailler à s'approprier des terres. Le travail associé à la matière introduit nécessairement les possessions privées.
- La mesure de la propriété est bien réglée par la nature. Un homme ne peut pas exercer tous les travaux qui existent, il ne peut donc pas tout s'approprier. Il est donc impossible que quelqu'un empiète sur un autre. Et puisqu'il y a une multitude de travaux, il y a une multitude d'espaces. Cette mesure met des bornes au bien de chacun et oblige à être modéré. Donc chacun doit posséder assez de bien pour sa subsistance. Or ce principe serait rester valable si l'invention de la monnaie n'avait pas établi par voie de consentement des possessions plus vastes et le droit de les garder.
- Au commencement du monde, l'homme n'avait pas le dessein d'avoir plus qu'il n'est nécessaire. Le désir de toujours plus a altéré la valeur des choses.
Avant l'appropriation des terres, un homme qui laisse se gâter ce qu'il a cueilli ou chassé mérite d'être puni car il usurpe la part de son prochain en voulant posséder plus qu'il ne lui en faut pour la commodité de la vie.
- Une terre appropriée qui cesserait d'être cultivée ou travaillée doit être regardée comme déserte, et peut donc être appropriée par un autre.
L'homme s'est mis à fixer des propriétés quand il s'est mis à créer des sociétés et à bâtir des villes.
- Ainsi, au commencement la terre a été donnée en commun à tous les hommes. C'est le travail qui a légitimement converti les terres libres en terres appropriées. C'est le travail qui a fondé la propriété.
- Le travail met différents prix aux choses. Sur ce que produit une terre, la quasi-totalité de la production doit être attribuée au travail et très peu à la nature elle-même.
- L'Amérique est une preuve que c'est le travail qui donne la quasi-totalité de la production. Les Américains sont très riches en terre mais très pauvres en commodités de la vie car ils ne travaillent pas la terre et n'en retirent presque rien.
- Ce qui nous est donné par l'industrie dépasse en valeur et en utilité ce qui nous est donné par la nature. Le travail nous procure des choses beaucoup plus commodes et plus utiles que ce que nous procure la nature.
La matière que fournit la nature n'est rien en comparaison de ce qu'on en retire par le travail. Ainsi une terre abandonnée par le travail est appelée un désert car on ne peut pas en retirer grand-chose.
- Les terres vierges cultivables ont toutes la même valeur. C'est le travail qui donne à une terre sa plus grande valeur. Pour chaque produit fabriqué il y a une infinité de choses qui se sont inventées et fabriquées (pour un pain il s'invente et se fabrique une infinité de choses).
- Bien que la nature ait tout donné en commun, l'homme étant le maître de sa propre personne, il a en lui-même le fondement de la propriété. Donc chaque fois qu'il applique sa force de travail, ce qu'il produit lui appartient en propre et n'appartient pas aux autres.
- Au commencement, chacun s'appropriait la terre qui lui plaisait. Puis des endroits furent très peuplés, l'argent apparut, la terre devint rare et sa valeur augmenta. Les sociétés distinguèrent alors leur territoire et firent des lois pour régler les propriétés de chacun. La propriété fut alors établie par accord et convention. De plus, les différents états firent des traités pour renoncer aux terres de leurs voisins.
Mais les grands espaces déserts et mal peuplés qui ne se sont pas joints à un état et qui ont plus de terre qu'il n'en faut pour les habitants, demeurent toujours communs (il parle de l'Amérique). En Europe on voit rarement une situation semblable.
- La plupart des choses véritablement nécessaires à la subsistance de l'homme, dont les premiers hommes avaient recours pareil aux Américains aujourd'hui, se corrompent si elles ne sont pas rapidement utilisées.
L'homme est obligé d'utiliser ce qu'il a produit avant que ça ne se corrompe. Car sinon ça voudrait dire qu'il en aurait pris plus que sa part. Par contre il peut donner ce qu'il a en trop. Il peut ainsi échanger une denrée périssable contre une denrée moins périssable. Il peut donc par exemple cueillir autant de fruits qu'il veut et les échanger contre de l'argent.
L'excès d'une propriété n'est pas dans l'étendue d'une possession, mais dans la corruption d'une possession.
- L'argent est donc une chose qui ne se corrompt pas, établie par le consentement des hommes, et que l'on peut échanger avec des choses qui se corrompent.
- Les différentes industries donnent différentes possessions. L'argent permet d'étendre la diversité de ses possessions.
Là où il n'y a pas de choses durables et rares, on n'a pas besoin d'étendre ses possessions et ses terres, puisqu'on peut toujours prendre autant qu'on a besoin. Quelqu'un isolé au milieu de l'Amérique n'a pas besoin de clôturer un espace et de se l'approprier.
- Au commencement, tout le monde était comme une Amérique. Il n'y avait pas d'argent. Les hommes commencèrent à agrandir leurs possessions quand ils trouvèrent quelque chose de semblable à l'argent d'aujourd'hui.
- Depuis que l'argent a reçu une certaine valeur par le consentement des hommes, le même consentement a permis les possessions inégales et disproportionnées. Et puisque l'argent ne se corrompt pas, un homme peut posséder plus qu'il lui est nécessaire tout en ayant le droit de son côté.
- Voilà comment le travail a donné dans le commencement du monde un droit de propriété sur les choses communes de la nature. Et ce sont les nécessités de la vie qui limitaient ce droit. Il ne pouvait donc y avoir aucun sujet de dispute par rapport aux possessions. Chacun voyait d'abord quelle portion de terre lui était nécessaire, et il aurait été aussi inutile que malhonnête de s'approprier plus de choses qu'on en avait besoin.