Rencontre à Rossetti


RENCONTRE À ROSSETTI 

 

Je marchais à peine réveillé de ma courte nuit, mais le sang électrique cuisant mes fragiles artères de jeune homme de 27 ans à la recherche d'un appartement.

Je traversais la place Rossetti dans le vieux Nice, encore tout excité par ma visite d'un 3 pièces à 750€ avec, coté chambres, un immeuble en construction derrière les fenêtres vomissant des tonnes de béton à l'heure, dans le sifflement inhumain des disqueuses pneumatiques. Et coté salon, un toit en tôle ondulé coulant jusqu’à la fenêtre, rouillé par les pluies et le soleil niçois, trimbalant dans ses ignobles rigoles toutes les saloperies de la city et même plus...

Cette salope de l'agence immobilière m'avait laissé un goût acre de bile au fond de la gorge après l'avoir entendu prononcer, je cite : "Un petit nid douillet de toute beauté"...

il fallait agir vite..

Petit a : je brûle cette voleuse et son appart avec.

Petit b : je me casse.

Je décidais malgré moi le choix "b", et quittais au plus vite ce taudis qui puait l'urine et les acres saveurs citadines..

  Le soleil pas encore au zénith, indiquait entre 10h et 11h, moins mes 3 heures de sommeil, j'arrivais a quelque chose d'assez métaphysique.

l'appartementalisation instrumentalisé par les forces divines des proprios libéraux sous contrôle de la loi marchande elle même servie sans entrée ni dessert par des agents immobiliers corrompus, résonnait dans ma tête.

  je transpirais à grosse goutte mon jus d'humain dans mon jean rapiécé, tout en traversant donc la place Rossetti toujours au coeur du vieux Nice.

Il me fallait une cigarette. Pas de ce vieux tabac en sac a rouler soi même mais bien une cigarette tubulaire et usiné méthodiquement par des machines, véritables professionnelles au coeur de l'usine.

  Cette marée humaine programmée aléatoirement, remontait jusqu'à moi par de grandes vagues artificielles, pressant à chaque ondulation un peu plus mon cortex déjà fragilisé par ma nuit de trois heures.

Mon cerveau me semblait être un flipper prosencéphale où mes cinq derniers neurones s'entrechoquaient dans un multi-bille effréné leur dernière partie. 

  Il me fallait faire le plein de kerozen, remettre du crédit dans la machine, bref, fumer une tige... je reçu 3 refus distinct sur une distance de 10 mètres soit 32.80833 pieds, soit 393.7008 pouces, soit 1.04949E-015 année lumière.

Le premier refus : un impersonnel balancier de la boite crânienne de son propriétaire...

Second refus : sorry I don’t speak french...

Troisième refus au métrage 10 : la fille me fait un sourire et me tend un paquet de cigarette Ultra Light Menthol, je devais malgré moi refuser l’offre de cette généreuse inconsciente .

  Le flipper a l’intérieur de ma boite crânienne fit TILT ! Des œufs brouillés pleins les yeux et un flipper éteint déguisé en crâne, le brouhaha niçois devint une onde linéaire dans laquelle je coulais, sorte de sous-marin cassé en perdition au fin fond des abysses insondables... Je n’y voyais plus rien, plongé dans une obscurité sans retenues, et titubant comme le cheval de ce con de Napoléon après Waterloo. Je me sentis définitivement foutre le camp..

Mais alors que j’exécutais mentalement mes derniers voeux de condamné, me remémorant ces bons moments au creux d'une crique de Coco Beach, avec l'écume épaisse et saline me léchant les pieds où j'avalais allègrement la fumée de ma cigarette la recrachant au loin pour finalement la mélanger à l'écume et aux vagues, ces moments exempt de temporalité, les yeux mi-clos par le soleil brulant de méditerranée, à attendre qu'il tourne ce soleil, tirant et tirant encore sur ma clope, ne faisant rien de dégueulasse ni de vraiment bon, mais juste profitant l'instant, fumant le bruit des vagues et le ciel d'azur sur mon bout de rocher accroché à la mer...

  Et alors que j'étais là, au milieu de la place Rossetti, à revoir ces images défiler, me sentant avaler par les obscures terres de l'autre monde, littéralement abandonné par Camel, Marlboro, Fortuna, JPS et j'en passe... Plongé dans une obscurité pesante, trimballé malgré moi dans ce magma humain, j'aperçu une étrange lumière, un puissant faisceau lumineux braqué sur moi, provenant de l'autre coté de la place.
Il n'y avait aucun doute, cette extraordinaire lumière, provenait du phare de Nice...
Mais pourtant le phare ne pouvait physiquement pas se trouver là. Je continuais à me rapprocher, rassemblant mes forces, en direction de la source lumineuse.
La lumière semblait sortir tout droit de la porte de l'église Rossetti.
je pensais subitement à Jesus Christ le saint fils, mais cela ne pouvait pas être lui, il était mort depuis plus de 2000 ans...
Non vraiment, cette lumière semblait tout droit émerger d'un phare puissant, tel le phare de Nice...
Elle me guidait inexorablement jusqu'à elle.
Bientôt, à quelques pas de la source lumineuse, encore aveuglé par cet éclairage surnaturel, je vis stupéfait une main tenant une de ces cigarette en tube que je cherchais désespérément!
j’amorçais ma demande, toujours ébloui par l'étincelante lumière qui semblait provenir du visage du fumeur.
La main me donna une clope.
J'avalais au plus vite quelques tafs puis remontais mes yeux jusqu'au visage de la personne pour la remercier. La nicotine aidant, j'y voyais déjà plus clair...
Mais qu'est ce qui provoquait cette lumière?
Quel est le meilleurs réflecteur possible?
Regardez les phares de voiture, les 1ers étaient ronds.
Réflecteur parabolique donc. Oui, parabolique!
Le puissant faisceau lumineux n'était devenu plus qu'une petite zone brillante et j'y regardais un peu mieux cette affaire...
C'était un joli petit nez, un peu comme un petit nez de chat...!
Un joli petit nez qui me rendit rapidement amoureux...
La suite tu la connais ma chérie....

 

- César Valentine -
2007

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