L'analyse de l'image


Analyse de l'image

Abrégé résumé de d'un livre dont j'ai oublié le nom
- César Valentine -



Pour une approche analytique de l'image, on peut choisir d'aborder l'image sous l'angle de la signification et non sous celui de l'émotion, du plaisir esthétique.

La sémiotique, c'est la théorie générale des systèmes de signes. Considérer l'image sous l'aspect sémiotique, c'est considérer le mode de production de sens de l'image. C'est-à-dire la façon dont l'image provoque des significations : c'est donc faire une interprétation.

 

Un signe est ce qui exprime des idées. Donc un signe n'est signe que s'il exprime des idées, c'est-à-dire que s'il provoque dans l'esprit de celui qui le perçoit, une interprétation. Il y a donc signe quand il y a interprétation.

 

Le travail du sémioticien, c'est donc de trouver des catégories de signes : spécificité, lois propres d'organisation, processus de signification particuliers.

 

 


1.  L'image comme système de signes

 

Une photo (signifiant) représentant un homme (référent) peut signifier selon le contexte "photo de famille" ou dans une publicité "joie" (signifié). C'est ce qu'on appelle la dynamique tripolaire du signe (signifiant, référent, signifié).

 

Classification des différents types de signes par Pierce :

Pierce effectue une distinction par type de relation entre le signifiant et le référent.

Les trois types de signes sont : l'icône, l'indice, le symbole.

 

L'icône :

L'icône est une relation d'analogie entre le signifiant et le référent.

Exemple : dessin figuratif, photographie et image de synthèse représentant un arbre, sont des icônes car ils ressemblent à un arbre. L'enregistrement du galop d'un cheval. Grain du skaï imitant le cuir. Goût synthétique d'un aliment reproduisant le goût d'un aliment véritable.

 

Indice (ou index) :

L'indice est une relation causale de contiguïté physique entre le signifiant et le référent.

Exemple : les signes naturels comme la pâleur pour la fatigue, la fumée pour le feu, le nuage pour la pluie, la trace du marcheur dans le sable.

 

Symbole :

Le symbole est une relation de convention entre le signifiant et le référent.

Exemple : les symboles classiques comme les drapeaux des pays, la colombe pour la paix, le langage qui est un système de signes conventionnels.

 

Cependant, étant donné qu'il n'y a pas de signe pur, ces trois types de relations sont seulement des caractéristiques dominantes. Donc les caractéristiques peuvent s'entremêler.

Exemple : le "cocorico" dans la langue (symbole) ressemble au son du coq, donc ressemble à ce qu'il représente (icône).

 

 

L'image, on l'a vu, fait donc partie de la catégorie icône. La catégorie icône a elle-même trois sous-partie : l'image, le diagramme, la métaphore :

 

L'image :

L'image est une relation d'analogie qualitative entre le signifiant et le référent. L'image imite, ou reprend, un certain nombre des qualités de l'objet.

Exemple : un dessin, une photo, une peinture figurative reprenant les qualités formelles de leur référent : forme, couleur, proportion = on peut les reconnaître. C'est-à-dire que quand on voit l'image de l'arbre on peut dire "c'est un arbre".

 

Le diagramme :

Le diagramme est une analogie relationnelle interne à l'objet. Le diagramme reproduit les relations internes de l'objet, et non ses qualités externes.

Exemple : l'organigramme d'une société représente son organisation hiérarchique, le plan d'un moteur représente l'interaction des différentes pièces du moteur, alors qu'une photo en serait l'image.

 

La métaphore :

Enfin, la métaphore est un troisième type d'icône, car elle met en place un troisième type d'analogie : le parallélisme qualitatif. Pierce pense la métaphore non pas comme une figure verbale, mais comme un procédé de substitution.

La métaphore est une figure de rhétorique. La rhétorique est générale, ses mécanismes peuvent concerner tous les types de langage, verbaux ou non.

 

Donc on peut donner cette définition théorique de l'image selon Pierce :

  1. L'image ne correspond pas à tous les types d'icônes
  2. L'image n'est pas que visuelle mais elle correspond à l'image visuelle

 




2.  Principe de fonctionnement d'une image

 

Une image est hétérogène

Une image coordonne au sein d'un cadre différentes catégories de signes.

 

Image au sens théorique = signe iconique

                 +

Signe plastique = couleur, forme, texture

                 +

Signe linguistique = langage verbal

                 =

Cette interaction produit le sens

 

Une image c'est ce qui ressemble à quelque chose d'autre (image visuelle, mentale, virtuelle) :

  • Soit l'image se construit à partir d'une vision naturelle de la chose
  • Soit l'image se construit à partir d'un parallélisme qualitatif : métaphore verbale, image de soi, image de marque…

 

Conséquence :

  1. Le fait qu'il y ait au cœur de l'image le principe d'analogie, fait que l'image est dans la catégorie des représentations. N'étant pas la chose, l'image évoque la chose.
  2. Étant perçue comme représentation, l'image est perçue comme signe, elle est perçue comme signe analogique. Donc son principe de fonctionnement est la ressemblance.

 

Le problème de l'image est donc le problème de la ressemblance :

  1. Trop de ressemblance = confusion entre l'image et ce qu'elle représente (= le représenté)
  2. Pas assez de ressemblance = illisibilité déstabilisante, ou pouvant potentiellement manifester une tendance idéologique, c'est-à-dire une intention non exprimée ouvertement

 

Ce sont les dangers que fait courir l'image : confusion entre l'image et le représenté, illisibilité déstabilisante, manifestation d'une intention non exprimée ouvertement.



Distinction parmi les différents types d'images :

 

  1. Les images fabriquées
    Elles imitent un modèle : images scientifiques de synthèse.
    → elles cherchent la perfection
    → elles donnent l'illusion de la réalité

  2. Les images enregistrées
    Ce sont des images parfaitement ressemblantes : photos, vidéos, films.
    Elles sont des traces, elles sont des indices avant d'être des icônes. Elles puisent leur force de conviction dans leur aspect indiciaire et non plus dans leur caractère iconique.

 

Il y a donc trois points pour étudier l'image :

  1. Ressemblance → icône
  2. Trace → indice 
  3. Convention → symbole

 




3.  Analyse de l'image

 

Pourquoi il y a souvent refus d'analyser l'image :

  1. Pourquoi parler lorsque la ressemblance est "naturellement" visible = idée du langage universel de l'image
  2. Contester la richesse d'un message en objectant que l'auteur n'a peut-être pas voulu tout cela = idée des intentions de l'auteur
  3. Peur de dénaturer l'image jugée "artistique", l'intellect ne devant pas aller sur le terrain de l'affectif, du sensible = idée de l'art intouchable

 

Objections :

  1. Reconnaître un motif ne signifie pas que l'on comprenne le message de l'image.
    Exemple : reconnaître des animaux peints dans une grotte rupestre ne nous renseigne pas sur leur signification. Même chose avec les hiéroglyphes.
    De plus, les images servant de support à l'apprentissage du langage, cela renforce leur apparente naturalité. C'est-à-dire que nous avons le sentiment de comprendre instinctivement leur sens.
  2. Analyser un message, ce n'est pas retrouver un message préexistant, mais c'est comprendre que ce message, dans ces circonstances présentes, provoque telle signification. Analyser une image, c'est donc se placer du côté de la réception.
  3. L'art est fait pour être questionné. La fonction primordiale de l'analyse est pédagogique : caractère émancipatoire de pouvoir décrypter les signes d'une apparente banalité. Bref, l'analyse permet de se libérer (mettre du sens libère et autonomise).

 

Une analyse ne se fait pas pour elle-même, elle est au service d'un projet. Pour une bonne analyse, il est bon de définir ses objectifs en vue d'élaborer une méthodologie.

 

 

Méthode de Barthes

Partir des signifiés pour trouver les signifiants, donc les signes qui composent l'image.

Il faut rechercher la nature des différents éléments qui composent l'image. Donc distinguer les différentes unités qui la composent, et ensuite substituer ces unités signifiées par leurs signifiants. 

Exemple : dans un tableau figuratif, distinguer les différentes unités : objets, couleurs, formes, textures. Pour chacune des unités chercher le signifiant, c'est-à-dire à quoi renvoie tel groupe d'objets, tel groupe de couleurs, etc... À partir de ces différents signifiants obtenus, une nouvelle compréhension du tableau peut alors surgir.

 

Donc avant d'analyser l'image, il faut :

  1. Définir ses objectifs et ses outils d'analyse
  2. Étudier la fonction de l'image
  3. Étudier le contexte d'apparition de l'image

 

Considérer l'image comme message, c'est considérer l'image comme un outil d'expression et de communication. Il faut donc chercher pour qui ce message a été produit :

  • Image comme communication
  • Image comme intercession : l'image comme intermédiaire entre l'homme et le monde. Intermédiaire avec le sacré, la mort (image symbole)
  • Fonction informative : plan, radiographie

 




4.  Qu'est-ce qu'une image

 

  1. L'image au sens commun
    Au sens commun, l'image est une reproduction du réel. Reproduction matérielle (photo) ou reproduction mentale (souvenir).
    L'image est donc un reflet, elle est évocatrice, elle renvoie à une réalité non-présente.
    Cette réalité peut être :
    1. Le passé : l'image est souvenir
    2. L'avenir : l'image est représentation d'un possible
    3. L'expérience d'autrui : l'image est analogie, comparaison
    4. L'inconscient : l'image est symbole (Freud). Exemple : dans un rêve, le chien peut être l'image du frère
    5. Une réalité objective et diffuse, que l'image concrétise en l'évoquant : l'image est signe, symbole. Exemple : le blason est l'image d'une lignée, le drapeau est l'image d'une nation
    6. Une idée ou une vérité : l'image est signe ou allégorie. Exemple : le blanc est l'image de la pureté, la caverne est l'image du monde sensible pour Platon
    7. Un idéal : l'image est un mythe, elle est chargée d'espérance et suscite l'action. Exemple : mythe de la grève générale pour les syndicalistes révolutionnaires
  2. L'image au sens technique
    Au sens technique, l'image peut être :
    1. Image rémanente : sensation qui continue alors que la cause a cessé d'agir
    2. Image complémentaire : lorsque ébloui, on projette partout l'image rémanente, alors, on observe le phénomène de l'image complémentaire : l'image rémanente se transforme en image de la couleur complémentaire
    3. Image hallucinatoire : delirium, drogues
    4. Image eidétique : synesthésie (voir les travaux de Jaensch)
    5. Image de notre corps
    6. Image-schéma dynamique (Bergson) : l'image est le principe régulateur et coordinateur subconscient qui règle l'habitude. Image comme disponibilité d'un automatisme moteur.
      Exemple : savoir danser la salsa, ce n'est pas avoir une image-cliché d'un couple dansant, mais c'est une sorte de savoir inscrit dans notre corps qui contient en puissance tous les mouvements de la salsa

  3. L'image comme réalité psychologique
    L'image n'est pas le signe d'un réel, et elle n'est pas non plus parallèle à un phénomène organique. L'image fait partie du "monde imaginaire". Ce monde imaginaire peut être :
    1. Évoqué et soutenu par le réel auquel il donne une autre dimension : images à la lecture d'un livre
    2. Déclenché par une sensation ou une perception : se trouver embarqué dans la rêverie
    3. Créé par le sujet qui invente un récit ou qui a une idée nouvelle : bâtir un monde d'images dans l'irréel contre le réel

 

L'image est prise dans l'usage :

  • Elle est un certain savoir
  • Une expression de l'affectivité

L'image est donc l'expression de la subjectivité. Plus l'expérience vécue a été intense, plus l'image sera riche et vive.

Donc l'image ne renvoie ni à un réel ni à une idée, mais à un usage. Il faut identifier la signification (la correspondance) d'une image à son usage. il y a un entrelacement des images avec les actions, un entrelacement des images avec la vie.

Le sens d'une image sera sa production dans un contexte : l'image n'a pas un caractère pur est défini, même l'image photographique n'a pas un caractère pur et défini. L'image est la cristallisation d'expériences vécues, donc l'image est :

  1. Un certain savoir : pas un savoir scientifique, mais une conscience spontanée
  2. Une expression de l'affectivité : une réaction affective vécue dans les situations impliquant l'objet évoqué.
    Exemple : si on a été mordu par un chien l'image du chien ne sera pas la même que si on est un chasseur.

 

L'image est la synthèse de l'affectivité et du savoir spontané : l'image c'est l'expression de la subjectivité.

L'image porte les marques du vécu. En effet, l'image est capable de déclencher les mêmes réactions affectives que celles auxquelles l'expérience a été associée.

Exemple : l'image d'un rôti fumant peut mettre l'eau à la bouche et déclencher de la salive, une autre image peut couper l'appétit.

 

 

 

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