Auguste Comte - Cours de Philosophie Positive (1826)


Auguste Comte - Cours de Philosophie Positive
Leçons 1 & 2
(1826)

Abrégé par César Valentine


(En cherchant des photos pour agrémenter ce résumé, je suis tombé sur ce site très sympa dédié à Auguste Comte : http://augustecomte.org)

Biographie

Auguste Comte né de famille bourgeoise à Montpellier le 19 janvier 1798. Il est élevé dans la croyance catholique et les opinions monarchistes. 

Lycéen, il devient républicain et incroyant. A seize ans il est reçu quatrième à polytechnique. Il fait des études scientifiques, littéraires, ainsi que des études de médecine. Il est exclu deux ans plus tard de Polytechnique pour indiscipline. 

Il repart à Paris à 18 ans mais est sans sans ressource. Dans la capitale, il donne des leçons de mathématiques pour gagner sa vie.

En 1818, il devient le disciple de Saint-Simon qui lui conseille d'étudier scientifiquement les phénomènes sociaux. Ils se brouillent en 1824.

En 1826, Comte ouvre dans son salon son cours de philosophie positive. Il a parmi ses auditeurs des savants illustres. Mais après trois leçons il fait une crise de délire et est interné.

Guéri, il reprend le travail en 1827 et ses leçons en 1829 devant un auditoire d'élite.

De 1830 à 1842, il publie son grand ouvrage "le cours de philosophie positive" en six volumes. Il est considéré par Stuart Mill comme l’un des principaux penseurs du siècle. 

En 1835, il est examinateur d'admission, mais il s'attire les foudres des académiciens à qui il reproche d'être rétrogrades. L'un d'eux, furieux, lui fait perdre son gagne-pain. Sans fortune personnelle, il vit alors grâce à l'aide de ses admirateurs et de ses disciples.

En 1842, il se sépare de sa femme et vit retiré. Ne lisant plus les journaux, il se consacre exclusivement à sa "Politique Positive".

En 1845, il se lie d'amitié forte avec une jeune romantique qui lui ouvre les trésors de la poésie. Malheureusement, elle meurt en 1846. Comte lui voue alors un véritable culte, et sous cette influence il publie son "Catéchisme Positiviste" en 1852.

Il meurt seul en 1857.



Doctrine

Le positivisme, c'est la négation de toute métaphysique et de toute recherche des causes. Ce n’est donc pas une philosophie de l’absolu, mais une philosophie du relatif. Le commencement et la fin des choses sont inconnaissables pour nous. Le positivisme se limite aux faits sensibles qui précèdent, suivent, ou accompagnent les faits sensibles, ainsi que les relations qu'entretiennent les faits sensibles dans l'espace et le temps. Le positivisme répudie toute hypothèse métaphysique, et en ce sens, le positivisme n'accepte ni l'athéisme, ni le théisme. Certes, il y a peut-être un "quelque chose" au-delà des limites infranchissables du positivisme, mais ce quelque chose est inaccessible.

La connaissance est donc divisée en deux domaines :

  • Le domaine du connaissable 
  • Le domaine de l'inconnaissable 

Les métaphysiciens ont toujours essayé de franchir la barrière de l'inconnaissable, et ils ont toujours échoué.



Théorie des trois états

L'esprit humain est passé par trois états successifs :

  1. L'état Théologique 
  2. L'état Métaphysique
  3. L'état Positif



La classification des sciences

Auguste Comte partage le savoir humain en six sciences fondamentales :

  1. Mathématiques
  2. Astronomie
  3. Physique
  4. Chimie
  5. Biologie
  6. Sociologie

 

La science mathématique est universelle, et forme la base unique de toute la philosophie naturelle. La philosophie n'est rien d'autre que la mathématique.

Comte s'imagine qu'avec le temps, la sociologie atteindra le même degré de positivité que les sciences physiques et mathématiques. La sociologie ne sera une véritable science que lorsqu'elle pourra montrer des lois. 

Il existe deux sortes de lois :

  1. Lois relatives à la stabilité
  2. Lois relatives au changement et à la transformation

 

Il y a donc deux études :

  1. La statique sociale
  2. La dynamique sociale

La réunion des deux études forme la physique sociale.

 

La statique sociale a pour objet les conditions d'existence des phénomènes sociaux = lois de coexistence. Exemple : existe-t-il des rapports entre les formes de la famille et les formes politiques ?

Les éléments sociaux essentiels sont au nombre de trois : l'individu, la famille, la société.

 

La dynamique sociale s'appuie sur les lois de succession : il y a un sens de l'histoire. L'évolution met en avant nos facultés humaines. Il y a donc un mouvement vers une conduite calculée et rationnelle.

 

Comte fait une analogie entre individu et société : l'organisme social ressemble à l'organisme individuel. Au bout d'un temps, l'homme vieillit et ses parties composantes ne peuvent plus le faire vivre, il faut qu'elles soient remplacées. Il pense la division et la spécialisation du travail.

 

À la fin de sa vie, Comte pense une religion positiviste. Il faut un nouveau fétichisme. La religion positiviste est construite autour d'un double culte :

  • Culte privé : culte aux personnes qui nous sont chères, ces personnes deviennent après leur mort des anges gardiens pour nous.
  • Culte publique : commémoration des grands hommes, nouveau calendrier.




Première Leçon

 

La théorie des trois états est la loi fondamentale découverte par Comte. Notre connaissance passe par trois états théoriques différents. Ces trois états sont trois méthodes de philosopher, donc trois sortes de philosophies différentes et opposées :

  1. L'état Théologique ou fictif : point de départ de l'intelligence humaine
  2. L'état Métaphysique ou abstrait : destiné à servir de transition
  3. L'état Scientifique ou positif : état fixe et définitif de l'intelligence humaine

 

1. État Théologique (animisme → polythéisme → monothéisme)

  • Recherche de l'essence des choses 
  • Recherche des causes premières et finales
  • Volonté de connaissance absolue

Dans l'état Théologique, on se représente les phénomènes comme produits par l'action directe et continue d'agents surnaturels. Leurs interventions arbitraires expliquent la totalité des phénomènes.

 

2. État Métaphysique

L'état Métaphysique est la modification générale de l'état Théologique où les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites. Dans l'état Métaphysique, les agents surnaturels sont donc remplacés par des concepts qu'on ne peut pas expliquer scientifiquement. On est donc encore dans la croyance, mais on n'est plus dans la croyance théologique : des principes fondamentaux expliquent tout.

 

3. État Positif

L'esprit humain reconnaît l'impossibilité de connaître des notions absolues, il renonce donc à chercher l'origine et la destination de l'univers.

La tâche de l'homme est alors de découvrir les lois effectives des phénomènes, c'est-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. Pour cela, il faut faire l'usage du raisonnement et de l'observation = méthode empirique.

 

En observant l'histoire, on peut voir que toute science arrivée aujourd'hui à son état positif, est passée au cours de son histoire par les deux autres états.

Comte fait une analogie de l'évolution des sciences avec le développement de l'intelligence individuelle. Chacun de nous, dans sa propre histoire, est passé par ces trois états :

  1. Théologien dans son enfance
  2. Métaphysicien dans sa jeunesse
  3. Physicien dans sa virilité



La théorie positive doit être fondée sur l'observation. Mais pour se livrer à l'observation, on a besoin d'une théorie. Ainsi, rattacher les observations à des principes permet de combiner ces observations isolées, et donc d'en tirer des résultats. De plus, cela nous permet de retenir ces observations, car elles rentrent dans un processus logique.

Les conceptions théologiques ont permis de sortir du cercle vicieux observation/théorie, en liant toutes les observations des phénomènes. De plus, dans son état primitif, l'esprit se pose les questions les plus inaccessibles : nature des êtres, origine et fin de tous les phénomènes, tandis que les problèmes solubles paraissent indignes d'intérêt. 

On mesure notre force par l'expérience. Or, avant notre maturité, notre faible expérience nous abuse en nous donnant une opinion exagérée de notre force. Mais c’est justement par cette opinion exagérée que nous avons pu développer notre force. Dans son état Théologique, l'homme avait donc une trop haute opinion de sa force.

La philosophie positive dit que l'homme n'a pas les forces nécessaires pour découvrir les causes et les finalités, ainsi que l'être même des choses. Sa plus haute ambition est de découvrir les lois des phénomènes. 

Donc dans son état Théologique, l'homme n'était pas prêt pour accueillir la philosophie positive car les deux philosophies sont totalement opposées.

De plus, les idées exagérées de la théologie sont à l'origine un stimulant indispensable permettant à l'homme de se déterminer à de pénibles travaux. Mais aujourd'hui, l'homme est mûr pour faire des recherches sans être guidé par ces motivations d'absolu. La simple recherche des lois des phénomènes comble le physicien.

Il en résulte que la philosophie positive est le véritable état définitif de l'intelligence humaine. Cela implique que l'état théologique et l'état métaphysique n'étaient que des étapes nécessaires et voulues par la philosophie positive.

(∆ : Mais comment connaître la finalité de l'esprit si on ne peut d'une manière générale, connaître ni les causes, ni les finalités)

 

Origine de l'étape métaphysique

La théologie et la physique sont si opposées, que pour passer de la première à la seconde, l'esprit a dû se servir de conceptions intermédiaires, d'un "caractère bâtard", propres à opérer la transition. Et c'est justement cela le rôle des conceptions métaphysiques : "elles n'ont pas d'autre utilités réelles".

(∆ : discrédit de la métaphysique par Comte, le stade Théologique est plus décisif que le stade Métaphysique, en cela qu'il est un vrai travail original de l'esprit humain)

L'état Métaphysique a permis à l'homme de s'habituer à ne considérer que les faits eux-mêmes.

Le caractère fondamental de la philosophie positive est de :

  • Regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables
  • Chercher à réduire au minimum cette liste de loi
  • Considérer comme absolument inaccessible et vide de sens la recherche des causes premières et finales
  • Analyser avec exactitude uniquement les circonstances de production des phénomènes, et rattacher ces circonstances de production les unes aux autres par des relations de succession et de similitude

 

"Aucun esprit juste ne cherche aujourd'hui à aller plus loin" Auguste Comte

 

Les différentes branches de nos connaissances n'ont pas parcouru d'une vitesse égale les trois phases de leur développement, donc elles ne sont pas toutes arrivées en même temps à l'état positif. Cependant, pour donner une date, pour fixer une époque, on peut dire que l'esprit de la philosophie positive a commencé à se prononcer dans le monde du XVIIe siècle par l'action combinée des préceptes de Bacon, des conceptions de Descartes, des découvertes de Galilée. Ou pour le dire autrement, il y a eu au XVIIe siècle la manifestation d'une opposition avec l'esprit Théologique et Métaphysique.

À mesure qu'on assiste à l'ascension de l'esprit positif, on assiste à la décadence de l'esprit Théologique et Métaphysique. Cependant, Comte nous dit qu'au XIXe siècle, l'esprit positif n'est pas pleinement achevé, et qu'il reste encore une grande opération scientifique à exécuter. Effectivement, il n'y a que quatre catégories de phénomènes naturels :

  • Les phénomènes astronomiques 
  • Les phénomènes physiques
  • Les phénomènes chimiques
  • Les phénomènes physiologiques

Mais il n'y a aucune catégorie relative aux phénomènes sociaux. Il faut donc terminer le système des sciences d'observation en fondant la physique sociale, et c'est cela le premier but de ce cours.

Une fois la science sociale fondée, la philosophie sera définitivement constituée à l'état positif. Elle ne pourra alors plus changer de caractère, mais seulement se développer indéfiniment par les acquisitions croissantes de ses observations (∆ : l’idée de Progrès). Devenu universelle, la philosophie positive deviendra capable alors de se substituer entièrement à la philosophie théologique et métaphysique.

 

Ce cours est un cours de philosophie positive, et non de sciences positives. C'est-à-dire que l'objet de ce cours est de considérer chaque science fondamentale dans ses relations avec le système positif tout entier, et préparer l'esprit à la méthode positive.

Dans l'état primitif de nos connaissances, il n'existe aucune division régulière parmi nos travaux intellectuels. Mais peu à peu, les recherches se spécialisent et se séparent entre différents ordres de savants. La division du travail intellectuel est un des attributs le plus important de la philosophie positive. La division du travail permet plus de résultats dans les recherches, mais inversement, la division a tendance à isoler tous les chercheurs qui ne sont plus capables d'une vision d'ensemble, et qui risquent de se perdre dans des travaux de détail.

Pour éviter ces problèmes relatifs à la division du travail, il faut perfectionner la division du travail elle-même. Pour cela, une nouvelle classe de savants : les philosophes positivistes étudieront les généralités scientifiques. Leur objectif sera de :

  • Déterminer l'esprit de chaque science positive
  • Découvrir leurs relations et leurs enchaînements
  • Résumer leurs principes propres en un minimum de principes communs

L'idée étant pour les philosophes positivistes de lier chaque nouvelle découverte particulière au système général et ainsi d'éviter la dispersion des conceptions humaines. Ainsi, les autres savants pourront profiter de leurs lumières, et ils pourront réciproquement rectifier leurs résultats. Cela permettra à la division du travail de ne pas manquer de cohésion. De plus, la classe des philosophes positivistes sera incessamment contrôlée par toutes les autres classes de scientifiques. 



Les avantages de la philosophie positive

La philosophie positive possède quatre propriétés fondamentales :

 

1. La philosophie positive est le seul moyen rationnel de mettre en évidence les lois logiques de l'esprit humain

Il y a deux voies pour étudier le vivant dans tous ses phénomènes et principalement les fonctions intellectuelles :

  1. Statique Sociale = le rapport statique → trouver les lois de coexistence (stabilité) = le sujet comme apte à agir
    La statique sociale détermine les conditions organiques dont dépendent les fonctions étudiées du sujet (= partie de l'anatomie et de la physiologie)

  2. Dynamique Sociale = le rapport dynamique → trouver les lois de succession (transformation) = le sujet comme agissant effectivement
    La dynamique sociale étudie le fonctionnement de l'esprit humain en exercice, en examinant les procédés que l'esprit a employé pour obtenir les connaissances qu'il a déjà acquises (= objet général de la philosophie positive)

La synthèse de ces deux champs (Statique Sociale + Dynamique Sociale) forme la "Physique Sociale".

 

L'esprit peut observer directement tous les phénomènes, excepté les siens propres. Et si l'homme peut dans de faibles mesures observer ses passions à l'aide de sa raison, puisque les deux fonctions sont différentes, il lui est impossible d'observer ses phénomènes intellectuels pendant qu'ils s'exécutent. On ne peut se séparer en deux et raisonner tout en se regardant résonner.

La philosophie positive fait un examen philosophique des sciences, c'est-à-dire des grandes applications déjà vérifiées et donc utilisées par les scientifiques. Le but étant de révéler par l'expérience les lois que suivent nos fonctions intellectuelles. Et à partir de ces lois, définir les règles générales qui guideront la recherche de la vérité (∆ : la vérité n'est donc plus l'idéalisme de l’Eidos, mais l'ensemble coordonné des lois positives qui rendent compte du réel).

 

2. La philosophie positive doit présider à la refonte générale du système d'éducation

L'éducation positive est la seule éducation conforme et adaptée aux besoins de la civilisation moderne. Il faut inculquer dans l'esprit général de la nation, jusque dans les masses populaires, un ensemble de conceptions positives sur toutes les grandes classes de phénomènes naturels. Pour ce faire, il faut présenter les différentes sciences comme appartenant au même tronc, et donc les réduire à leurs méthodes principales et leurs résultats les plus importants. Ainsi, l'enseignement des sciences peut devenir la base d'une éducation vraiment rationnelle. Cet enseignement général est le résultat direct de la philosophie positive.

 

3. La philosophie positive permet la combinaison de toutes les sciences

Il faut diviser l'activité scientifique pour séparer les difficultés afin de mieux les résoudre. Or, les questions importantes nécessitent une combinaison de plusieurs spécialités. Mais la constitution du monde savant actuel ne le permet pas, laissant les problèmes sans solutions. D'où l'importance de la philosophie positive dans la solution des questions qui exigent la combinaison de plusieurs sciences.

 

4. La philosophie positive est la seule base solide de la réorganisation sociale

Cette réorganisation sociale doit terminer l'état de crise dans lequel se trouvent depuis si longtemps les nations les plus civilisées. 

Le mécanisme social repose sur des opinions, donc les idées gouvernent et bouleversent le monde. Le mal des nations est dû à l'anarchie intellectuelle. L'ordre social exige des maximes partagées par tous, car sans des idées générales partagées par tous, il est impossible de former une doctrine sociale commune, et donc l'état des nations restera révolutionnaire, avec des institutions provisoires.

La réunion des esprits dans une même communion de principes opérera naturellement l'émergence d'institutions convenables et cela sans secousses, sans révolution.

 

Donc le désordre de la société et des intelligences a pour cause l'emploi simultané des trois philosophies radicalement incompatibles : Théologique, Métaphysique, Positive. À cause de cela, les individus ne peuvent pas s'entendre sur les points essentiels. Il ne faut donc choisir qu'une philosophie. Toute l'analyse et l'étude de l'histoire montre que c'est la philosophie positive qui doit être la seule philosophie doctrinale.

Il ne reste plus qu'à compléter la philosophie positive par l'étude des phénomènes sociaux, et ensuite la résumer à un seul corps de doctrines homogènes. C'est cela qui rétablira l'ordre dans la société. De plus, le goût du "public" pour les connaissances positives indique que la philosophie positive recevra un bon accueil.

 

La philosophie positive ne cherche pas l'unité absolue, le principe unique à toute chose, la loi générale qui régirait absolument tout. La seule unité que la philosophie positive veut, c'est l'unité de méthode. La doctrine n'a pas à être une, elle doit être homogène. Donc unité des méthodes et homogénéité des doctrines. Pour cela il faut diminuer le nombre des lois générales nécessaires à l'explication des phénomènes.




Deuxième Leçon

 

Il faut à présent déterminer la classification rationnelle des différentes sciences positives fondamentales (Les mathématiques sont la base de toute la philosophie naturelle. Voilà pourquoi les mathématiques n'ont pas un rang dans le système scientifique de Comte). Si jusqu'à présent, aucune classification rationnelle satisfaisante n'a vu le jour, c'est à cause du défaut d'homogénéité qui a toujours existé entre les différentes sciences : certaines sont devenues positives, tandis que d'autres sont restées théologiques ou métaphysiques. Il est donc impossible de classer dans un système unique des conceptions aussi contradictoires.

Or, aujourd'hui, toutes les sciences principales sont devenues positives, donc une classification rationnelle est possible. C'est l'observation qui va permettre de trouver la classification des différentes sciences, et non des considérations à priori. C'est donc d'après la dépendance mutuelle des différentes sciences positives que nous devons effectuer leur classification.

Tous les travaux humains sont soit de spéculation donc théoriques, soit d'action donc pratiques. Et puisque la science positive cherche les lois régissant les phénomènes, c'est le côté spéculatif qui intéresse les positivistes, donc la partie théorique de l'exercice humain. C'est d'ailleurs l'étude de la nature qui seule peut nous fournir une base rationnelle de l'action de l'homme sur la nature. En d'autres mots, la science entraîne la prévoyance, et la prévoyance entraîne l'action.

Cependant, la science est bien plus que la simple base de l'industrie, et pourtant en 1826, la science n'est conçue que dans le rapport à l'industrie. Or, "la puissance est nécessairement proportionnée à la connaissance" (Bacon).

La science a une destination plus élevée que les simples et directes applications techniques. La science doit satisfaire notre besoin fondamental de connaître les lois des phénomènes. Cette affirmation trouve sa preuve dans l'expérience si forte de l'étonnement. Quand un phénomène nous semble s'accomplir contradictoirement aux lois naturelles qui nous sont familières, nous sommes saisis par un sentiment terrible d'étonnement. Nous avons toujours besoin de disposer les faits dans un ordre que nous pouvons concevoir avec facilité. Et si cet ordre ne trouve pas d'explications positives, nous lui donnons inévitablement une explication théologique ou métaphysique. 

De plus, les applications directes de la science nous cachent la véritable destination des sciences. La destination des sciences est la recherche fondamentale. Les applications les plus importantes résultent toujours de théories fondamentales cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique.

"Le matelot qu'une exacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit la vie à une théorie conçue, 2000 ans auparavant, par des hommes de génie qui avaient en vue de simples spéculations géométriques" (Condorcet)

Nos moyens pour découvrir la vérité sont tellement faibles, que nous devons procéder aux recherches théoriques sans y faire intervenir des considérations pratiques. Donc l'intelligence, en délaissant les intérêts immédiats de l'existence, crée en fait les outils qui serviront les intérêts de l'existence. C'est la séquence : "savoir pour prévoir, prévoir pour agir".

Puisque la connaissance se place avant l'action, elle est ignorante des exigences propres à l'action. La force de l'intelligence est qu'elle est au service du sentiment. Ainsi, l'unité que peut produire l'intelligence, l'unité humaine, exige d'abord un principe nécessairement subjectif. La prépondérance du cœur sur l'esprit est l'énergique impulsion qui réalise la convergence des nombreuses et hétérogènes tendances au sein de l'harmonie collective.

 

Il y a 2 sortes de connaissances portant sur la nature :

  1. Les généralités théoriques : Le savant
  2. Les généralités pratiques : Le directeur des travaux productifs

 

Puisque le second s'appuie sur le premier, la philosophie positive s'occupera des généralités théoriques. Entre ces deux classes, une troisième classe est en train de naître : la classe des ingénieurs. La classe des ingénieurs organise les relations de la théorie et de la pratique. Les ingénieurs déduisent les applications industrielles des connaissances scientifiques. Or, cette classe d'ingénieurs n'est pas encore formée, car en tant que doctrine intermédiaire elle dépend de plusieurs sciences, puisque dépendant de plusieurs arts. Or, ces sciences fondamentales n'ont pas pu encore se développer intégralement à leur stade positif. Donc pour la classification des sciences, il faut considérer uniquement la partie théorique et pas la partie pratique.

 

Il faut distinguer parmi les phénomènes, deux genres de sciences naturelles : 

  1. Les sciences abstraites = recherche fondamentale
    Découverte de lois qui régissent les classes de phénomène = sciences générales

  2. Les sciences concrètes = sciences naturelles
    Application de ces lois aux différents êtres

 

Exemple :
Physiologie = recherche fondamentale qui étudie les lois de la vie 
Zoologie = recherche concrète qui détermine le mode d'existence de chaque corps vivant

 

Nous venons de voir que la physique concrète suppose la connaissance des lois générales relatives à tous les ordres de phénomènes, donc suppose la recherche fondamentale. Voilà pourquoi la philosophie positive doit s'occuper des sciences générales, car la recherche fondamentale fournit la base rationnelle d'une physique concrète systématique.

On ne peut donc pas réunir dans un même cours physique abstraite et physique concrète. Nous devons nous occuper des connaissances spéculatives et non des connaissances d'application. Par suite, les sciences se divisant en sciences générales (fondamentales) et sciences particulières, on ne doit considérer que les sciences fondamentales. Donc l’ensemble constitué de la physique abstraite et des connaissances spéculatives, constitue la recherche fondamentale.



Deux façons d'exposer la science (Thomas Kuhn reprend cette distinction) : 

 

  1. L'ordre historique :
    On expose les connaissances dans le même ordre que l'humanité les a obtenues. Donc étude successive de tous les traités depuis les plus anciens jusqu'aux plus récents = longue suite d'intermédiaires et de conceptions, écritures et méthodes radicalement différentes rendant ce travail presque impossible.

  2. L'ordre dogmatique :
    On présente les idées sous la forme d'un système autosuffisant : un paradigme. Tous les travaux particuliers sont refondus en un système général gagnant en logique et en naturel. Pour cela il faut que la science en question soit parvenue à un haut degré de développement.

 

Ainsi, un scientifique moderne termine généralement son éducation sans avoir lu aucun ouvrage original, exceptés les plus récents. La tendance de l'esprit humain est donc de substituer à l’ordre historique, l'ordre dogmatique. Il est important de connaître l'histoire des sciences, mais cette étude doit être conçue comme séparée de l'étude propre et dogmatique de la science. Car seule l'étude dogmatique de la science permet de rendre intelligible l'histoire.

 

Nous voulons déterminer la dépendance réelle des diverses études scientifiques. Cette dépendance résulte donc des phénomènes correspondants. Les phénomènes les plus simples sont les plus généraux. La philosophie naturelle part donc de l'étude des phénomènes les plus généraux aux phénomènes les plus particuliers : Corps bruts → corps organisés

Dans les corps vivants, on observe, en plus, des phénomènes vitaux. Donc il faut d'abord étudier la physique inorganique, puis ensuite la physique organique.

 

Physique inorganique :

  1. Physique céleste → phénomènes généraux (astronomie)
  2. Physique terrestre → phénomènes particuliers
    Physique mécanique
  3. Chimie

    Physique organique (= 2 ordres de phénomènes) :

  4. Physiologie → L’individu
  5. Physique sociale → L’espèce

 

La physique sociale est fondée sur la physiologie. Ainsi, pour étudier les phénomènes sociaux, il faut d'abord étudier l'individu. Cependant, Comte est conscient que les conditions sociales modifient l'action des lois physiologiques. Donc la physique sociale doit avoir un corps d'observation directe qui lui soit propre.

Ainsi, la philosophie positive est partagée en cinq sciences fondamentales dont la succession est déterminée par une subordination nécessaire : 

  1. Astronomie = phénomènes les plus généraux, les plus abstraits, les plus éloignés de l'humanité : ils influent sur tous les autres sans être influencés par eux.
  2. Physique
  3. Chimie
  4. Physiologie
  5. Physique sociale = phénomènes les plus particuliers, les plus concrets, les plus près de l'humanité : ils dépendent plus ou moins de tous les précédents, sans exercer sur eux aucune influence.

 

L'idée d'une telle classification est de décomposer le système des connaissances humaines d'après le degré d'abstraction le plus grand, jusque dans ses détails secondaires (≈ Descartes : aller du simple au composé).

Exemple : en géométrie on étudiera la géométrie plane avant la géométrie dans l'espace.



Avantages de la classification positive

 

  1. La classification positive permet d'éviter d'étudier un domaine sans auparavant avoir étudié la science la plus adéquate à informer ce domaine par ses lois

  2. La classification positive est conforme à l'ordre du développement de la philosophie naturelle. Les sciences sont liées en tant qu'elles puisent dans les sciences qui les précèdent. Donc chaque science ainsi liée s'oblige à devenir science positive.
    Exemple : la météorologie encore au stade théologique au XIXe siècle sera forcée de devenir positive.

  3. La classification positive donne une indication du niveau de perfection de chaque science, et cela sur deux points :
         - Degré de précision des connaissances
         - Degré de coordination avec les autres sciences
    Il ne faut pas confondre le degré de précision d'une science avec son degré de certitude, car une proposition tout à fait absurde peut être extrêmement précise. Exemple : la somme des angles d'un triangle est égale à 3 angles droits. De même, une proposition très certaine peut ne comporter qu'une médiocre précision. Exemple : tout homme mourra.
    Tout ce qui est positif, donc fondé sur des faits bien constatés, est certain

  4. La classification positive détermine directement le plan général d'une éducation scientifique entièrement rationnelle. Ce plan est applicable à l'éducation générale, et aussi à l'éducation spéciale des savants. Cela permet donc au savant d'avoir étudié les sciences qui conditionnent la science qu’il exerce, conditions primordiales pour un véritable développement scientifique. 
    Il n'existe pas aujourd'hui pour les savants d'éducation vraiment rationnelle. Il y a donc une imperfection extrême des sciences. Cet enseignement scientifique est primordial dans l'éducation générale. Il faut donc une rénovation du système intellectuel.

 

 

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