Maison
EXISTENCE ET PHENOMENES (Fragments)
1. REVER
Le désir enfoui et secret, l'attente révélée dans un reflet mirage, un fruit sucré pour savourer le temps qui passe. Un œil ouvert et l'autre à l’intérieur, se regardant au dedans. Avec cet œil qui regarde d'où il vient et qui ne comprend rien. Quand tu louches sur toi-même, ça empire jusqu'à devenir une tumeur cancéreuse jusqu'à ce que tu disparaisses, flétri, osseux sans vie.
Un pèlerin sans âme, les mains ballantes et les pieds relevant poussière et cendres. Partout, tout autour, juste des tronc d'arbres et au lieu des vertes couronnes, un feu géant qui déchire le ciel noir. Des milliers de boules de feu alignées qui rugissent jusqu'à devenir de petits points lumineux dans l'infini de la nuit. Plaine de cendres grises où se consument les géants depuis le premier jour. Ils sont fier comme la loi, dans le chaos il y a de la méthode.
Je marche entre eux car ils sont suffisamment espacés pour que j'avance sans devenir une torche humaine, et même si la chaleur est suffocante, j'avance. Flammes suspendues dans un ciel sans étoile. Où veux tu que j'aille ?
Je m'envolerai très haut et alors je baisserai la tête et je n'y verrai plus que des étoiles rassurantes. Où veux tu que j'aille ? Que je m'envole papillon, chenille avec des ailes. Mon œil au dedans regardera au dehors, enfin ils seront deux et ils pourront battre des ailes. Alors je m'envolerai, et j'irai ouvrir la fenêtre de cette maison perdue et elle sera mienne.
L'objet à forme humaine, tu le prends toujours avec toi, on s’emmènes se rappelant juste l'inconnu, le temps se plie, mouchoir humide et se range. Il y a dessus des lettres à l'encre noir qui se chevauchent. Il y a dedans des histoires, pour pas longtemps car le feu se rapproche, il crépite et sera bientôt là. Alors l'encre noir deviendra fumée bleue et montera aussi haut qu'il faut pour se dissoudre, disparaître.
Des corps s’élevant dans le ciel, arrachés au sol, des corps qui montent et tournoient. Ils grimpent dans le grand jour bleu et ils ont peur, ils crient. Et ceux qui restent au sol ne comprennent pas non plus et les regardent les yeux écarquillés, bouches béantes, sans pouvoir bouger. Et mêmes les mains qui s'agrippent à ce qu'elles peuvent finissent par glisser, par lâcher prise. Au sol leur cris nous parviennent et tout les mentons sont tournés vers le ciel. Et puis soudain, il y a comme une hésitation la haut, tout semble se figer, satellites suspendus. Cela dure un instant et brusquement ils chutent, pantins maladroits s’écrasant sur le sol au milieu de la foule. Un peu plus loin ils n'ont rien vu mais moi j'ai assisté à tout, je n'ai rien perdu, pas une image. Je les ai vu monter ces hommes hélium, je les ai entendu hurler et j'ai écouté le cri de la mort.
J'ai vu l'horreur. J'ai vu les secrets grossis à la loupe, les petits démons d'en dedans devenir la peau dur des dragons querelleurs. J'ai vu les ombres maigres marcher d'un pas mécanique et sans vie sur les routes sèches. J'ai vu les femmes vendre leurs corps les yeux transparents, insondables. J'ai vu les vestiges, maisons sans toit, immeubles éventrés, et la nuit la ville plongée dans les ténèbres attendant le jour d’après comme s'il ne viendrait jamais. Jour nuit, ville gémeaux. Et toi je t'ai cherché en vain, ma douce demeure, paresse Chanel, mon coquillage de laine dans la mer limonade, il suffirait que je te trouves pour que tu sois mienne. Il suffirait de trouver une aiguille dans une botte de paille, est ce donc à ça que tient le bonheur ? À trouver ce que l'on ne voit pas.
Sur les pentes douces qui tombent dans la rivière, il y a des amoureux qui s'embrassent sur un parterre de fleurs, leur jambes entremêlées et leur pieds près de l'eau. Ce ruisseau c'est du cristal sauvage qui glisse sur lui même. A quelques mètres de la berge, en haut de la butte, des arbustes-bouquets confinent par endroit l'espace. Le ciel est bleu et l'eau est un miroir. Je marche aux milieu des amoureux qui ne semblent pas me voir. Seules leurs bouches se regardent et leurs doigts se perdent dans les cheveux de l'autre. J'hurlerai qu'ils ne m'entendraient pas. Je pourrais couper les arbres, mettre le feu à l'herbe verte, souffler fort pour que l'eau calme se soulève en tempête, peindre le ciel de sang et seulement moi serait transporté dans l'horreur, car leurs silhouettes siamoises sont des chrysalides figées n'appartenant qu'à un instant du temps. Chez eux il n'y a pas de conséquences. Voila pourquoi je ne peux m’arrêter, voilà pourquoi leur infinie sagesse ne m'est pas accessible.
J'avance dans la lumière laissant derrière moi les images du bonheur.
2.ETRE
Un corps, un être. Debout dans sa verticalité, tout en exclamation.
Au dessus de l' étant l'être penché se regarde en interrogation.
Deux fragiles que le pur fait d'être fait apparaître.
Au reflet de la mélancolie souvent ils se retrouvent, dans un feu d'artifice de bulles de savons, dans un présent insaisissable.
Principe de mon devenir, je suis un constat balayé sans cesse par une nouvelle constance, jusqu’au désordre de la nuit qui me dissout dans l'infini.
La fin du fini, c'est donc là que je passe toutes mes nuits.
C'est là que je regarde le bateau partir, encore un peu sur le ponton de bois, encore un peu de ces milles visages en dehors du mien, de ces perspectives peintes à la main, de ces vues d'aigles où le globe se tord. Ici la nuit c'est encore l'aurore.
Maintenant je ferme les yeux alors que déjà même ils vacillaient sous mes paupières closes.
L'en dedans du dedans, l'oeil miroir et le sommeil larsen. Toute chose se substitue, soudain le bateau est baleine et la mer est le ciel. Ce ne sont plus les yeux qui voient, les doigts qui touchent, le monde a vacillé. Il est un autre sensible qui opère dans l'abime.
Chantez les papillons, chantez les rues en serpentins, les fils funambules, chantez en vous évaporant avec vos yeux jumeaux qui ne font pas de bruit, chantez cette nuit encore la litanie des sens.
Car c'est ici que je veux être, au plus près de ce moi que je ne peux connaître.
Ici je ne possède plus rien, plus rien que mon soi qui plongé dans l'éclipse peut être enfin lui-même et dépasser mon être.
La boucle est un lacet dont le nœud se défait à chaque nouveau soleil.
Et chaque nouveau soleil veut me rendre ma chair, et ce désir qui désire à l'envers.
Posséder c'est se déposséder de soi pour devenir l'objet identifiable.
Le désir de l'objet est le manque du soi.
Et par dessus l'ego nous nous découvrirons.
Ici je ne possède plus rien, plus rien que le sommeil soleil qui plongeant dans mon être éclipse l'en dehors, compose un phénomène.
Errer en désordre dans le sommeil. Errer tout simplement à travers soi-même.
Chaque nuit est un poème, une composition abstraite et parfaite dont je suis l'artiste involontaire.
Créant sans le vouloir, créant sans le savoir, je deviens l'idole, la créature et le destin.
Le rêveur est l'hypostase du créateur en état de veille puisque tout a commencé dans un long sommeil.
Je suis le premier, au commencement il n'y a pas de mémoire et je suis le dernier, à la fin il n'y a plus de mémoire.
Voila qu'il n'y a plus de rupture.
Voilà qu'il n' y a que des choses qui se tiennent entre elles et qui commencent d'elles mêmes.
Mais il y a des absences dont on ne revient jamais, des bateaux qui ne rentrent plus au port et qui sont fantômes ou légendes.
Je ne suis pas de votre monde et je vous émerveille autant que je vous effraie.
Vous étiez inquiet à l'instant où vous m'avez vu et je l'ai su à votre façon de tourner autour de moi comme des mouches hésitantes.
Je manques de moi quand je marche avec vous, alors aujourd'hui je voudrais marcher seul.
Les lieux se dérobent, les moments s'exagèrent, et déjà voilà les rêves.
Chaque nuit est un chemin sans fin, un face à face avec ma solitude dans un autre présent où mon existence frissonne de tout son éphémère.
Je suis dans une ville prospère et pavée de grosses pierres. Partout les sourires béats s’arrêtent un peu sur moi pendant que je les croises. Ils ont fait des affaires et semblent si heureux qu'ils cachent un peu la mort tout au fond de leurs poches. Leur sourire c'est le bâton que porte à sa ceinture le maton quand il sonne la cloche.
Devant chaque boutique, devant chaque maison, ils sont là, à attendre quelque chose qui ne viendra pas puisqu'ils disparaitront derrière moi. Vous vous évaporez en même temps que je passe. Immobiles, ils regardent en diagonales avec leurs yeux qui bougent tout seuls et très vite, et leur sourire content.
Je remonte la rue, qui finit étroite, qui finit sentier. Et le ciel s'ouvre sur un ciel encore plus grand, sur une route brune encore plus large.
Mon rêve prend le large de ce marécage humain.
Au loin devant moi une maison fait de l'ombre sur le chemin
La nuit offre aux pétales de se recourber sur la fleur, j'en ferai ma demeure nocturne, regardant scintiller les étoiles par son unique fenêtre pointée vers le ciel, et je contemplerais mon royaume tourner autour de la polaire. Et quand le jour viendra, je prendrai l'ascenseur qui descend dans sa tige et je m'enfoncerais jusqu'au cœur de la terre, les yeux cousus par des vers et des cailloux dans les mains, avec un feu brulant prisonnier dans les veines.
Mais n'est ce pas ainsi que vous vivez ici ? Au grand jour et aux yeux de tous ?
Je vous le dit, vous vivez à l'envers, il vous faut vous ouvrir en long en large et en travers, et mettre votre intérieur à l’extérieur, comme on épluche le fruit pour en dévoiler le cœur.
Je porte en moi le chaos
Suspendu dans l'abîme je dois créer et non plus innover
Je porte en moi l’expérience
Je me disperse dans le monde tout en me rassemblant en moi-même
Je porte en moi toute chose
Du multiple à l'unité convertible
Et quand ils se rassemblent, les objets disparaissent.
Et en même temps que nous disparaissons nous transcendons l’espèce
3.COMMENCER
Je ne commence pas un rêve
je suis soudain entrain de rêver
Je ne commence pas à écrire
Je suis soudain entrain d'écrire
Je ne commence pas à vivre
Je suis soudain entrain de vivre
À chaque commencement c'est l'absence à moi-même.
In-identifiable, le commencement est paradoxalement identification.
Cet entre deux états, ce point qui s'enfonce toujours plus profondément dans l'infini du centre.
Comme si du néant apparaissait la matière. Comme si de la mort s'éveillait la vie, et que de l'ignorance surgissait la vérité
Commencer, c'est être et ne plus être
Commencer, c'est disparaître pour apparaitre
En fait je suis dans une chambre où se côtoient au même moment la nuit la plus noire et le jour le plus clair
Que dois je y voir ? Que veux-je y voir ?
Des papillons sans ailes aux yeux en cerceaux rampant sur le fruit,
Des ligne droites qui zigzaguent jusque dans l'infini
Des flammes froides projetant autour d'elles une lumière noire
Ici le matin c'est toujours le soir.
C'est en dehors de moi que je me trouve moi même
Et à peine devenu je ne suis déjà plus.
Et l'en dehors nous lie, les uns aux autres aux objets
C'est bien cet extérieur qui décide notre être,
Qui le pousse justement de commencer à être
Je suis ce lieu en dehors et en dedans
Ce devenir qui ne devient jamais
Cette présente absence, cette absente présence
Souffle les jours, souffle les siècles et les millions d'années
il n'y aura plus de vent, il n' y aura plus de terre,
que tu contempleras encore tes écailles arc en ciel,
dragon merveilleux à la queue de poisson et à la tête humaine
C'est en deçà de moi que tu m'avais trouvé
C'est au delà de toi que je te porterais
-César Valentine-
2015