Mill - L'utilitarisme (1861)


L’UTILITARISME (1861)

John Stuart Mill

- Abrégé résumé par César Valentine -



John Stuart Mill, philosophe, logicien et économiste britannique 1806-1873



Chapitre 1 - Remarques générales

 

Il y a une controverse autour du Bien et du Mal = Question du « Summum Bonum »
La question du fondement de la morale a été considérée comme le plus important des problèmes.

 

On ne peut pas connaître les premiers principes, mais on peut, même sans les connaître, tirer des jugements de réalité en ayant recours à l’observation et à l’expérience.

 

Il y a l’idée que le bien et le mal nous sont connus par un « instinct ». Cependant, puisque dans la vie on ne rencontre que des cas particuliers, la moralité particulière nous est connue par l’application d’une loi particulière.

 

  • Pour l’école intuitionniste, les principes de la morale sont évidents à priori
  • Pour l’école inductive, ils nous sont connus par l’observation et l'expérience

 

Donc pour ces deux écoles, il y a une science de la moralité.

 

Toutes les écoles philosophiques ont toujours admis que les actions ont une influence sur le bonheur.

 

Agir déontologiquement, comme le préconise Kant, amène nécessairement à commettre des actes immoraux.

 

Rien ne nous prouve que même le plaisir est bon.

Prouver qu’une chose est bonne, c’est prouver qu’elle est le moyen d’atteindre une autre chose jugée bonne sans preuve (bonne par elle-même).

 

Les gens n’adoptent pas la doctrine utilitariste car ils s’en font une idée fausse.




Chapitre 2 : Ce que c’est que l’utilitarisme

 

Les gens pensent que l’utilitarisme oppose l’utilité au plaisir.

D’autres croient que l’utilitarisme ramène tout au plaisir.

 

L’utilitarisme soutient qu’une action est bonne lorsqu’elle accroît le bonheur, et mauvaise quand elle produit le contraire du bonheur.

 

Bonheur : Plaisir et absence de douleur

Malheur : Douleur et privation de plaisir

 

Le plaisir de l’homme ≠ plaisir des animaux :
La quantité des plaisirs ne l'emporte pas sur la qualité des plaisirs.

 

  • L’homme a des facultés plus hautes = un bonheur plus dur à satisfaire (plaisir de l’intelligence, plaisir de sensibilité, plaisir de l’imagination)

 

  • Les plaisirs du corps sont mouvants (plaisirs sensoriels).
    Les plaisirs de l’esprit sont plus stables que les plaisirs du corps = il y a des plaisirs de qualité différentes.

 

Une personne intelligente ne voudrait pas devenir stupide, même si par là elle gagnait la tranquillité de l’âme (entre être un homme ou être une huître le choix est vite fait).

 

  • Un être aux facultés supérieures demande plus pour être heureux (p.53) et souffre plus qu’un être aux facultés inférieures, mais il ne souhaiterait pas tomber à un niveau d’existence qu’il juge inférieure (sens de la dignité humaine).

 

Le bonheur ≠ la satisfaction :

 

Satisfaction :

  • Quantité d’un plaisir quelconque

Bonheur :

  • Jouir de plaisirs plus désirables
  • Jouir de la quantité plus grande de ces plaisirs

 

L’être dont les facultés de jouissance sont d’ordre inférieur a plus de chances de les voir pleinement satisfaites qu’un être aux facultés de jouissance d’ordre plus élevé qui sentira que le bonheur qu’il vise sera toujours imparfait.
Mais il peut apprendre à supporter qu’il y ait des imperfections dans ce bonheur.

 

Il vaut mieux être un Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait.
Si l’imbécile est d’un autre avis, c’est parce qu’il ne conçoit qu’un côté de la question, alors que Socrate conçoit les deux côtés de la question (le plus peut le moins, mais non l’inverse).
Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait.

 

Pourquoi les gens choisissent les plaisirs d’espèce inférieure plutôt que les plaisirs supérieurs (p.55) :

  • Incapable de goûter aux plaisirs supérieurs
  • Eprouver des sentiments nobles disparaît facilement :
  • Sous l’action de forces ennemies
  • Par manque d’aliments
  • Chez les jeunes, cette capacité d’éprouver des sentiments nobles disparaît par les occupations que leur situation impose (comme devoir gagner de l’argent pour vivre)
  • La société ne favorise pas cette faculté supérieure
  • Perte du goût intellectuel par manque d’occasion de les satisfaire
  • On s'adonne aux plaisirs inférieurs :
  • Car ce sont les seuls qui soient accessibles
  • Car ce sont les seuls dont on est capable de jouir plus longtemps

 

Le bonheur est-il impossible ?
A ceux qui objectent que le bonheur n’est pas possible, les utilitaristes rétorquent que la prévention du malheur est toujours possible.

 

Le bonheur que nous pouvons espérer :
Cependant, une telle assertion affirme de manière un peu trop tranchante que la vie humaine ne peut être heureuse. Cela est une exagération. Car qu’est-ce qu’une vie heureuse ? Le bonheur n’est pas un état continu d’exaltation. Une vie heureuse, c’est une vie faite d’un petit nombre de douleurs passagères, et d’un grand nombre de plaisirs variés, avec une prédominance nette de l’actif sur le passif (l’idée qu’il ne faut pas attendre de la vie plus qu’elle ne peut donner).

« La déplorable éducation, les déplorables arrangements sociaux actuels sont le seul obstacle véritable qui s’oppose à ce qu’une telle vie soit à la portée de presque tous les hommes ».

 

Il y a deux types de comportement humain :

  • Content avec peu de plaisir s’il peut avoir beaucoup de calme
  • Capable d’accepter beaucoup de douleur s’il peut mener une vie très mouvementée

 

Le Bonheur dépend :

  • De nous-mêmes (se cultiver, intérêt pour l’humanité, pour la morale).
    Quand on exerce ses facultés, on trouve un intérêt inépuisable dans tout ce qui nous entoure (Nature, art, poésie, histoire, futur).
    Si on devient indifférent à toutes ces choses, c’est parce qu’on n’y a jamais attaché un intérêt moral ou humain, et que l’on n’y a cherché qu’un moyen de satisfaire sa curiosité.
  • De l’éducation et des progrès de la société qui nous font mieux vivre.
    « Quand la vie ne donne pas satisfaction, c’est immédiatement après l’égoïsme, à l’absence de culture qu’il faut l’attribuer »

 

Sur le sacrifice :
Le sacrifice peut être un bien (s’il a pour objet le bonheur d’autrui), mais ce n’est pas un bien en soi.
« C’est seulement l’état très imparfait des arrangements sociaux qui fait que le meilleur moyen de contribuer au bonheur des autres peut être le sacrifice absolu du bonheur personnel ».
Cependant, le progrès des institutions sociales doit finir par retirer au sacrifice toute raison d’être.
Pour nous rapprocher de cet idéal, la société doit mettre l’intérêt de l’individu en harmonie avec l’intérêt de la société. L’éducation et l’opinion doivent créer dans l’esprit le lien entre bonheur personnel et bonheur de la société.

Ainsi, l’individu :

  • Serait incapable d’accorder dans son esprit bonheur personnel et conduite contraire au bien général
  • Ferait de ses motifs habituels d’action une tendance directe à promouvoir le bien général

 

Un acte peut être moral sans avoir un motif moral :

  • Le motif n’a rien à voir avec la moralité de l’action quoi qu'il intéresse beaucoup la valeur de l’agent (Motif = Sentiment qui pousse à vouloir l’action)
  • La moralité d’une action est liée à l’intention (Intention = Ce que veut faire l’agent)

 

Sauver quelqu’un de la noyade est une action moralement bonne, que le motif d’action soit le devoir ou l’espoir d’être payé.

 

La grande majorité des bonnes actions ne tendent pas au bien universel, mais tendent au bien d’individus déterminés. Et le bien du genre humain est composé de ces biens particuliers (p.70).
Être vertueux selon l’utilitarisme = Se proposer d’accroître le nombre de gens heureux.

 

On affirme souvent que l’utilitarisme rend les hommes froids et peu compatissants :

On dit que l’utilitarisme habitue les hommes à ne considérer que les conséquences des actes et à ne pas saisir les qualités morales qui ont inspirés ces actions.

Mais une action morale n’est pas nécessairement l’indice d’un caractère vertueux : des mauvaises actions procèdent souvent de bonnes qualités.

Donc pour l'utilitariste, le jugement d’appréciation ne porte pas, ou que secondairement, sur l’agent dont les intentions et les dispositions sont souvent difficiles à connaître, il porte essentiellement sur l’acte, dont les conséquences sont « tangibles et intelligibles ».

 

Distinction entre intérêt et utilité :

Souvent on dénonce l’utilitarisme comme immoral en l’appelant morale de l’intérêt pour l’opposer à une morale fondée sur des principes. Mais l'intérêt n’est pas la même chose que l’utilité. Il faut entendre par intérêt, l'intérêt particulier d’un agent.

L'intérêt est donc nuisible pour la communauté, il est seulement utile à quelque objet particulier.

Le mensonge sert des intérêts particuliers. Mais la culture de la vérité est l’une des choses les plus utile pour la communauté.

« La parole en la confiance humaine est le fondement principal de notre bien-être social actuel ».

Cependant cette règle peut comporter des exceptions. Du choix de ces exceptions, c’est-à-dire de cette confusion, résulte un conflit des utilités. Mais le principe utilitariste est bon à résoudre ce conflit.

 

Les règles de la morale sont nées des expériences séculaires de l’humanité en matière de bonheur :

L’humanité doit encore beaucoup apprendre au sujet des effets qu’ont les actions sur le bonheur général.

Le principe d’utilité engage donc sur un progrès indéfini.

De plus, il est à noter qu’en matière de morale la reconnaissance d’un premier principe (impératif catégorique) n’est pas incompatible avec l’admission de principes secondaires :

« Faire connaître à un voyageur où se trouve le but final de son voyage, ce n’est pas lui interdire d’avoir recours aux bornes et aux poteaux indicateurs qui se trouvent sur son chemin ».

 

Objection faite à l’utilitarisme :

On reproche à la doctrine utilitariste que les individus en viendraient nécessairement un jour à faire exception aux règles générales pour leur cas personnel, et à devenir malhonnêtes.

Mais toutes les doctrines fournissent des excuses pour mal se comporter.

Ce n’est pas la faute des doctrines, mais de la complexité humaine : tout est soumis à des exceptions.

 

C’est l’utilitarisme qui permet le mieux de résoudre les conflits de devoirs :

Mieux vaut une difficulté à départager dans l’arbitrage, que pas d’arbitrage du tout (dogmatisme).

Dans les systèmes où les lois morales s’imposent avec une autorité absolue, il n’y a pas d’arbitre qui peut intervenir entre les différentes lois en cas de conflit.



 

Chapitre 3 : De la sanction du principe d’utilité

 

Pour toute morale il faut se demander : « quelle est la source de son pouvoir d’obliger ? »

 

La moralité faite d’habitude se présente d’elle-même à notre esprit, elle donne par cela le sentiment qu’elle tire d’elle-même son caractère obligatoire.

 

La morale utilitariste peut posséder les mêmes sanctions que les autres morales :

 

Sanctions extérieures : l’espoir de concilier la bienveillance, ou la crainte de provoquer le mécontentement de nos semblables ou du Maître de l’Univers.

Cela nous pousse à faire SA volonté sans aucun calcul égoïste des conséquences.

(Les hommes désirent le bonheur, donc ils désirent et louent toute conduite des autres à leur égard, s’ils croient qu’elle favorise leur propre bonheur).

 

Sanctions intérieures : sentiment intérieur comme la peine ressentie à la violation d’un devoir. Quand il est désintéressé, ce sentiment est l’essence de la conscience.

 

L’obligation morale est liée à un ensemble gigantesque de faits empiriques (sympathie, amour, crainte, souvenirs, estime de soi). Cet ensemble gigantesque est à l’origine du caractère mystique que l’on attribue à l’idée d’obligation morale.

Donc tous ces faits empiriques créent un sentiment global reconnu sous la forme d’un principe moral tellement fort, que violer son propre principe moral entraîne le remord.

 

Ceux qui n’ont pas une conscience morale n'obéissent pas non plus à un principe moral extérieur.

Sur eux, la morale n’a de prise qu’avec le recours des sanctions extérieures.

Cependant, on peut cultiver en l’homme les sentiments moraux, cela est prouvé par l’expérience.

 

On n'accroît pas la force de l’obligation morale en prétendant la rattacher au domaine des « choses en soi » :

L’obligation morale rattachée aux choses en soi a plus de force de soumission que l’obligation morale subjective rattachée à la conscience. Mais quel que soit le sentiment de chacun, la force qui pousse chacun à être moral, c’est son sentiment subjectif et personnel. Et tout le monde peut à tout moment se poser cette question : « Faut-il que j’obéisse à ma conscience ? »

En somme, même celui qui croit en dieu est toujours susceptible de ne pas obéir à sa conscience et de faire une action condamnée par son obligation morale, comme commettre un meurtre.

 

Les sentiments moraux ne sont pas innés, ils sont acquis, mais cependant ils sont naturels :

Il est naturel à l’homme de parler, bâtir, cultiver. Ce sont des facultés acquises et pourtant naturelles.

Puisque la faculté morale ne fait pas partie de notre nature et s’y développe naturellement, elle peut être portée très haut par la culture.

Donc on peut développer la faculté morale dans toutes les directions (bonnes ou malfaisantes).

 

La morale utilitariste trouve un solide point d’appui dans le sentiment social, qui est naturel à l’homme :

Ce sentiment est le désir de vivre en harmonie avec nos semblables.

 

Les progrès de la civilisation renforcent le sentiment social :

  • Ils multiplient les relations inter-individuelles, donc engagent les intérêts de chacun
  • La société oblige que chaque intérêt soit pris en compte
  • De plus, la société progresse vers la réalisation de l’égalité
  • Il est de plus en plus naturel de coopérer les uns avec les autres. Quand on coopère, nos fins sont identiques. Cela crée en l’individu un sentiment de sympathie pour les autres. Et même s’il n’éprouve pas ce sentiment, il a intérêt à ce que les autres l’éprouvent

 

On peut concevoir un système d’éducation et des institutions qui auraient un caractère religieux et qui seraient orientés vers le développement de l’altruisme :

Comte a donné beaucoup d’exemple montrant que c’était possible. Cependant, le danger est que le système politique et moral s’empare de la vie humaine en colorant toutes ses pensées, et porte ainsi atteinte à la liberté humaine et à l’individualité.

 

Le sens social existe chez tout individu normal :

Chaque individu possède en lui le sentiment profond qu’il est un être social. Mais dans l’état de civilisation peu avancée où les hommes se trouvent, l’homme ne peut éprouver cette sympathie totale à l’égard de son semblable.



CHAPITRE 4 : De quel genre de preuve le principe de l’utilité est susceptible

 

Les questions relatives aux fins suprêmes ne comportent pas de preuves directes :
Pour les questions relatives aux faits, on peut faire appel à nos sens et notre conscience intime.

Pour l’utilitarisme, la seule chose désirable comme fin est le bonheur :
Les autres choses sont désirables comme moyen pour atteindre le bonheur.

 

Ce qui est désirable, c’est ce qui est désiré en fait :
La seule preuve qu’un objet est visible, c’est qu’on le voit.
Qu’un son est audible, c’est qu’on l’entend.
De même, ce qui est désirable, c’est ce qui est désiré en fait, c'est à dire ce que l'on désire effectivement.

 

Tout le monde désire le bonheur :
Le bonheur est l’une des fins de la conduite
Et donc l’un des critères de la moralité

 

On ne désire pas que le bonheur :

  1. Beaucoup désirent la vertu et l’absence de vice
  2. La vertu est désirable pour elle-même
  3. La vertu, après avoir été moyen du bonheur, est devenue partie du bonheur

 

Les éléments du bonheur sont très divers ex : la musique, l’absence de douleur sont des parties du bonheur, donc désirables en eux-mêmes et pour eux-mêmes.
La vertu était primitivement un moyen du bonheur, elle est devenue une partie du bonheur.

 

Des choses sont d’abord moyens d’atteindre autre chose, puis en s’associant avec ce dont elles sont le moyen, sont ensuite désirées pour elles-mêmes.

C’est le cas de l’amour de l’argent :

L’argent n’est plus le moyen d’une fin, mais est devenu partie de la fin.

Il était moyen du bonheur, il est devenu partie du bonheur.

 

Il en est de même pour le pouvoir, la célébrité comme la plupart des grands buts de la vie humaine.

 

Partie du bonheur = On est heureux, ou on pense qu’on le serait, par sa seule possession, et on est malheureux si l’on ne réussit pas à l’obtenir.

 

Le bonheur n’est pas une idée abstraite, mais un ensemble concret de ces différentes parties.

 

Mais la vertu est, de toutes les choses désirables, celle qui peut le plus contribuer au bonheur général :
Amour de l’argent, pouvoir, célébrité, sont des désirs qui rendent l’individu nuisible aux autres membres de la société.
Au contraire, la vertu contribue au bien général.

 

On ne désire qu’une chose, le bonheur.
Toute chose désirée autrement est soit un moyen soit une partie du bonheur.

 

Puisque le bonheur est la seule fin de l’action humaine, le bonheur doit donc être le critérium de la moralité.

Une chose désirable = Une chose agréable dans notre représentation psychologique.

Mais ne peut-on pas vouloir autre chose que le bonheur et le plaisir ?
La volonté est différente du désir.
La volonté est un désir consolidé par l’habitude.
La volonté, à l’origine, est produite par le désir (répugnance à la douleur).

 

Application pratique :

Pour éveiller la volonté vertueuse, il faut rendre la vertu attrayante. C’est-à-dire faire apparaître la vertu sous un aspect agréable, pour que la personne désire la vertu et trouve pénible l'absence de vertu.

 

Propositions :

Associer la bonne conduite avec le plaisir, la mauvaise conduite avec la peine, afin qu’à la suite de ces expériences, la volonté d’être vertueux s’exerce indépendamment de toute idée de plaisir ou de peine. L’idée étant qu’avec l’habitude on obtient la certitude.
L’éducation doit produire cela.
« Cet état de la volonté est un moyen pour arriver au bien, mais il n’est pas en soi un bien ».



Chapitre 5 : Du lien qui unit la justice et l’utilité

 

La justice étant une certitude qui tient de l'instinct, la majorité des penseurs soutiennent que le juste doit exister en soi.

 

Mais il n'y a pas de lien nécessaire entre la question de l'origine du sentiment et celle de sa force d'obligation. Car un sentiment ne légitime pas nécessairement l'acte auquel il pousse.

 

De même, un jugement peut être mauvais et conduire à de mauvaises actions.

 

 

ANALYSE DE L'IDÉE ET DU SENTIMENT DE LA JUSTICE

 

Première méthode d'investigation : Y a-t-il une qualité commune à tous les actes qualifiés d'injustes qui nous permette de déterminer l'origine du sentiment de la justice ?



Il est juste de respecter, il est injuste de violer les droits légaux de quelqu'un.

  • Cette personne privée de ses droits peut avoir encouru la déchéance légale de ses droits
  • Ou ses droits n'auraient jamais dû lui appartenir. Comme par exemple dans le cas d'une mauvaise loi

 

Il est juste d'obtenir ce que l'on mérite et injuste d'obtenir ce que l'on ne mérite pas.

 

Mais qu'est-ce qui constitue le mérite ?

Au sens général :

  • Être bien traité quand on agit bien
  • Être maltraité quand on agit mal

 

Dans un sens plus spécial :

  • Être bien traité par ceux à qui on fait du bien
  • Être maltraité par ceux à qui on fait du mal

 

Rendre le bien pour le mal (position déontologique) ne relève pas de la justice, mais obéit à d'autres considérations. Comme par exemple la religion.

 

Il est injuste de violer les engagements pris. Comme manquer à sa parole. Donc la parole implique l'acte.

 

La partialité est injuste. Le traitement de faveur est injuste, un tribunal doit être impartial (cela pose un problème, car l'impartialité peut conduire à agir contre son intérêt).

 

L'idée d'impartialité est liée à l'idée d'égalité.

L'idée d'égalité est une partie de l'idée de justice. Mais la notion de justice varie selon les personnes, selon leurs idées de l'utilité. Par exemple, un esclavagiste trouvera juste qu'il y ait des esclaves, car il trouve cela utile. Ou encore, un communiste trouve injuste qu'on ne répartisse pas avec une rigoureuse égalité le produit du travail.

 

En somme, la question n'est pas résolue car le mot justice a plusieurs sens. Ces différents sens sont le produit des différents sentiments moraux de chacun.



Deuxième méthode d'investigation : étymologie et évolution sémantique

 

Just jussum = ce qui est ordonné

 

Recht → right = loi

Recht→ droit = ce qui n'est pas tordu, tortueux

 

L'idée mère de la notion de justice est la conformité à la loi.

  • Pour les chrétiens, les lois sont données par dieu
  • Pour les Grecs et les Romains, les lois ont été faites, et sont faites, par les hommes. Il y a donc la possibilité de faire de mauvaises lois, ou de faire des actes injustes sous couvert d'une loi. Il n'y a pas de droit naturel

 

On considère l’idée de justice comme devant s’appliquer à tout un ensemble de choses qui ne sont pas réglées par la loi, et que l’on ne veut pas voir réglées par la loi.

Pour que la loi puisse contraindre l'homme jusque dans ses plus petits détails, il faudrait accorder un pouvoir sans limite aux magistrats. Cela nous effraie à juste titre.

 

Quand on qualifie une action de mauvaise, on veut en même temps dire que la personne qui l’a accomplie doit être punie, soit :

  1. Par la loi
  2. Par l’opinion de ses semblables
  3. Par les reproches de sa propre conscience

 

C’est l’obligation d’agir conformément à la loi qui est à l'origine de la notion de justice.

Mais selon Mill, ce sentiment s'est peu à peu transformé. On s’est peu à peu senti autorisé à violer les lois qui nous apparaissaient injustes.

La sanction légale a été peu à peu remplacée par la sanction de l'opinion et la sanction de la conscience personnelle.

C’est ainsi que le sentiment d’obligation, libéré de ses attaches avec le droit positif, est devenu caractéristique de la moralité proprement dite.



 

Conclusion de l’enquête. Genèse du sentiment de la justice et du droit :



Le sentiment de la justice a deux éléments :

  1. On désire punir la personne qui a causé un préjudice
  2. On sait ou on croit qu’il y a plusieurs individus qui ont subi ce préjudice

 

Le désir de punir naît de deux sentiments instinctifs :

  • Le besoin de se défendre
  • La sympathie



Idée de justice :

  1. Une règle de conduite
  2. Un sentiment qui assure le respect de la règle. C'est-à-dire le désir de voir infliger une punition à ceux qui violent la règle.

L'élargissement de la sympathie à tous les êtres humains donne à ce sentiment son caractère moral.

 

Le « sentiment » s’attache à soi-même et aux personnes avec lesquelles on sympathise.

Le « caractère moral » est ce sentiment qui s’étend à tous les êtres humains.

L’idée de la justice est le désir de justice étendu à tous les êtres humains.

 

L’idée de droit est un simple aspect de l’idée de justice :

Quand on parle de droit d’une personne, on veut dire que cette personne est fondée à exiger de la société qu’elle la protège par :

  • La force de la loi
  • La force de l'éducation
  • La force de l'opinion

 

Un droit c'est quelque chose dont la société doit garantir la possession en vue de l’utilité générale :
Pourquoi le doit-elle ? Pour l'utilité générale.

 

Le plus vital de tous les intérêts est celui de la sécurité :
Tous cherchent la sécurité personnelle, car personne ne peut se passer de sécurité.
C’est la sécurité qui nous permet de nous préserver au-delà du moment qui passe.
C’est pourquoi l’exigence de sécurité s’accompagne de sentiments extrêmement forts, c’est-à-dire bien plus forts que pour des intérêts ordinaires.
Cette différence entre les sentiments n’est pas une différence de degré, mais bien plutôt une différence de nature.
Les sentiments en rapport à l’exigence de sécurité sont si puissants, et nous comptons si fermement les trouver chez les autres, que le « on devrait » et le « il faudrait » deviennent progressivement « il faut ».
C’est-à-dire que ce qui est reconnu indispensable devient une nécessité morale qui est analogue à la nécessité physique.

 

Le critérium de l'utilité est le seul qui puisse mettre fin aux controverses sur le droit et la justice :

Le juste aussi bien que l'utile reçoivent les opinions les plus diverses. Donc la position déontologique n'échappe pas non plus à la controverse.

 

Il y a différentes conceptions, différentes attentes de la justice :

  • La justice pour châtier = la justice punitive
  • La justice pour empêcher la récidive = la justice correctrice

 

Sur la répartition des impôts :
Là aussi les avis sont divers.
Mais Mill précise :
« Les riches seraient beaucoup plus capables de se protéger eux-mêmes en l'absence de loi ou de gouvernement, que les pauvres, et, même, à la vérité, réussiraient probablement à réduire ceux-ci en esclavage ».

 

Nécessité de distinguer le juste de l'intérêt :
La différence que l’on fait entre le juste et l'intérêt est-elle imaginaire ?
Mill affirme qu’il a montré qu’il existait une réelle différence entre le juste et l’intérêt.



Utilité supérieure des règles de justice

 

C’est par l’observation des règles de justice que la paix se maintient entre les hommes :
La pratique de la justice doit être fondée sur l’utilité.
Il ne peut pas y avoir de réelle moralité sans cette pratique de la justice fondée sur l’utilité.
« Les règles morales qui interdisent aux hommes de se nuire les uns aux autres sont d’un intérêt plus vital pour le bien-être humain que les maximes, si importantes qu’elles puissent être, qui indiquent seulement la meilleure façon d’administrer quelque branche des affaires humaines ».
Ces règles morales maintiennent la paix entre les hommes.
Donc Mill n'exclut pas qu'il faille aussi garder une position déontologique pour les règles morales.

 

Les principales règles de justice

 

Principe fondamental : Rendre le mal pour le mal et le bien pour le bien :

 

  • Ne pas décevoir l’attente qu’on a fait naître (trahison de l’amitié et manquement à la promesse faite).
  • Être impartial et n’admettre aucune inégalité injustifiée.
    Les inégalités sociales qui ont cessé d'être considérées comme utiles, apparaissent non pas seulement inutiles, mais injustes (p.155). Les gens s'étonnent qu'on ait pu autrefois les tolérer. Mais ils oublient qu'ils tolèrent d'autres inégalités par une conception erronée de ce qui est utile. Une fois cette erreur de conception redressée, les inégalités qu'ils approuvent leur paraîtront aussi monstrueuses que ce qu'ils avaient appris à condamner. L'histoire entière des progrès sociaux et une série de transition de « nécessités premières » à « injustices » :
    • Esclave / homme libre
    • Noble / serf
    • Aristocratie de couleur
    • Race
    • Sexe

 

Ainsi, les actes de justice correspondent aux plus hautes exigences sociales :
Tous les cas qui relèvent de la justice sont aussi des cas qui relèvent de l'intérêt.
La différence entre les cas qui relèvent de la justice et les cas qui relèvent de l’intérêt, réside dans la nature du sentiment qui s’attache aux cas qui relèvent de la justice.
Sans pouvoir donner à ce sentiment une origine particulière, on dira qu’il est un sentiment naturel (celui du ressentiment) qui est devenu moral en passant au service exclusif du bien social.
Le mot justice reste donc le terme approprié pour qualifier les conduites qui visent en priorité l’utilité sociale.

 

 

 

Video(s)

Photo(s)

mw41638
postcardfeaturingjohnstuartmillc190722780068945
838gettyimages-3320495
fee-john-stuart-mill