Kuhn - La structure des révolutions scientifiques (1962)


Abrégé résumé du livre de Thomas Kuhn

“la structure des révolutions scientifiques”

- César Valentine -




“La structure des révolutions scientifiques” est l’oeuvre majeure de Thomas Kuhn. Paru en 1962, cet ouvrage de philosophie des sciences fut au centre d’un débat sur la rationalité de la science. Kuhn y redéfinit le terme de paradigme comme matrice disciplinaire, et le lie à la notion de révolution scientifique. Chaque changement de paradigme est une période de crise qui débouche sur une révolution. Ces périodes troubles marquent le conflit entre science normale et science extraordinaire. Conflit résolu par les expériences cruciales. Cela lui permet de critiquer l’idée d’un progrès en ligne droite. Il critique aussi l’idée de la science comme activité s’approchant de plus en plus près de la vérité, car tout paradigme en définissant l’étendue du champ de recherche à tendance à se développer en profondeur.

Donc cinq notions sont largement redéfinies dans l’ouvrage :

 

  • La notion de paradigme, la notion de révolution scientifique, la distinction entre science normale et science extraordinaire, la notion d’expérience cruciale et la notion de progrès scientifique

 

 






Chapitre 1 - L’acheminement vers la science normale

 

La science normale s'appuie sur un paradigme. Il sert à définir les problèmes et les méthodes.

 

Le paradigme a deux caractéristiques :

  1. Il est assez accompli pour rassembler une communauté scientifique
  2. Il est assez nouveau pour fournir de nouveaux problèmes à résoudre

 

Le paradigme donne une cohérence dans la recherche :

  • Il permet de former l'étudiant
  • Il permet le travail en commun
  • Il évite l'opposition sur les points fondamentaux

 

Apparition d'un nouveau paradigme = Maturité dans le développement d'un domaine scientifique.

 

Exemple de différents paradigmes de l'optique :

  1. Planck et Einstein : photons = entités de la mécanique quantique. Les photons possèdent les caractéristiques des ondes et des particules.
  2. Young et Fresnel : ondes
  3. Newton (XVIIIe) : corpuscules matériels
  4. De l'Antiquité à la fin du XVIIe, il n'y a pas eu de théorie unique sur la lumière, mais plusieurs écoles concurrentes

 

Quand il n'y a pas de paradigme commun, toute question demande de partir de zéro = liberté de choisir les observations et les expériences qui appuient la théorie.
En résulte que le paradigme est un solide accord de base.

 

Sans paradigme l'observation se fait au hasard, on voit donc en priorité les phénomènes faciles à constater.

 

L’artisanat produisant beaucoup de faits a permis l'émergence de nouvelles sciences. De même la technologie met au monde de nouvelles sciences.

 

En science, les divergences initiales disparaissent ensuite largement.

 

Une théorie devient un paradigme quand elle semble meilleure que ses concurrentes. Cela entraîne l'arrêt des discussions entre les écoles, implique la fin de la réaffirmation constante des principes fondamentaux, et donc entraîne l'étude plus détaillée de phénomènes choisis, ce qui a pour effet la création d'appareils spéciaux.

 

“La vérité émerge plus facilement de l'erreur que de la confusion” (Francis Bacon)

 

Quand un paradigme apparaît, les écoles antérieures disparaissent. Mais quelques hommes continuent à s'accrocher à la vue ancienne, ils sont généralement considérés comme extérieurs à la science et on ignorera leurs travaux.
Des écoles entières ont survécu dans un isolement croissant par rapport à la science professionnelle (exemple : l'astrologie faisait autrefois partie de l'astronomie).

 

Quand un chercheur possède la connaissance complète d'un paradigme, il n'a pas besoin dans ses travaux de retracer les premiers principes. Il peut commencer ses recherches là où s'arrête le manuel qui enseigne le paradigme, et se concentrer donc sur les paramètres les plus subtiles.
A la différence des livres tels “L'origine des espèces” de Darwin ou “Expérience sur l'électricité” de Franklin, le chercheur écrit des articles pour les spécialistes

 

Le paradigme encourage la spécialisation et produit des articles uniquement compréhensibles par les spécialistes qui connaissent le paradigme.
Donc un gouffre de plus en plus grand sépare les scientifiques de disciplines différentes.

Un paradigme fait d'un domaine de recherche une science





Chapitre 2 - La nature de la science normale

 

Dans un sens classique, le paradigme fonctionne en permettant de reproduire des exemples.

  • Ex : en grammaire “amo, amas, amat” est un paradigme, il montre le modèle à appliquer pour conjuguer les verbes latins comme par exemple “laudo, laudas, laudat”

 

Dans une science, au contraire, un paradigme est rarement susceptible d'être reproduit. C’est un objet destiné à être ajusté et précisé dans des conditions nouvelles ou plus strictes.

 

Le paradigme devient le modèle dominant car il a mieux réussi que les autres théories. Réussir mieux, ce n'est pas réussir totalement, car tout reste à faire. Le paradigme n'est donc qu'un point de départ.

 

Donc le succès d'un paradigme équivaut surtout à la promesse de succès. La science consiste à réaliser cette promesse :

  1. En étendant la connaissance des faits que le paradigme indique
  2. En augmentant la corrélation entre ces faits et les prédictions du paradigme
  3. En ajustant davantage le paradigme

= Les scientifiques se consacrent à des opérations de nettoyage du paradigme.

 

La science normale n'a pas pour but de mettre en lumière des phénomènes d'un genre nouveau. Toutes ces opérations sont des tentatives pour forcer la nature à rentrer dans la boîte préformée du paradigme. Les phénomènes qui ne cadrent pas avec la boîte passent même inaperçus.

 

Les scientifiques n'ont donc pas pour but, normalement, d'inventer de nouvelles théories, mais plutôt d’articuler les phénomènes et les théories que le paradigme fournit déjà.
Donc les domaines explorés sont minuscules, car il y a une restriction autour du paradigme. Mais en se concentrant sur des points préci, nous étudions des domaines de la nature avec une grande précision.

 

Quand le paradigme ne satisfait plus les recherches, naturellement, la science relâche les restrictions, la nature des recherches change, et une partie des solutions trouvées pendant le paradigme se révèle durable.



L'investigation scientifique se concentre sur 3 espèces de faits :

1/  Le groupe de faits dont le paradigme a montré qu'ils révèlent bien la nature des choses

  • En astronomie : position des étoiles, période des éclipses
  • En physique : poids et compressibilité des matériaux, longueurs d'ondes, intensité spectrale, conductivité électrique
  • En chimie : points d'ébullition, formules structurales, activités optiques, composition


2/  Les phénomènes

  • Ils n'ont pas d'intérêt intrinsèque, mais ils peuvent être comparés aux prédictions du paradigme.
  • Demande des appareils pointus pour observer la nature (télescope, microscope, ondes gravitationnelles)

 

3/  Les travaux empiriques entrepris pour ajuster la théorie

  • Résoudre les problèmes résiduels de la théorie
  • Permettre la résolution de problèmes sur lesquels elle n'avait qu'attiré l'attention auparavant.

 

Ainsi, pour préciser un paradigme il faut :

  1. Déterminer des constantes universelles (constante gravitationnelle, unité astronomique, coefficient de joule)
  2. Établir des lois quantitatives (loi de Boyle rattachant pression du gaz à un volume, loi de coulomb sur l'attraction électrique)

 

Considérer un objet sous certaines propriétés permet de concevoir des expériences en rapport à ces propriétés et donc d'effectuer des mesures interprétables.

 

3 classes de problèmes couvrant l'ensemble de la littérature scientifique :

  1. Détermination des faits significatifs
  2. Concordance des faits avec la théorie
  3. Élaboration de la théorie

 

Les problèmes extraordinaires ne sont pas donnés au départ, ils apparaissent par la progression de la recherche. Donc la majorité des problèmes abordés se cantonne à une des trois classes ci-dessus.

On ne peut pas travailler autrement dans le cadre d'un paradigme.

 

Abandonner le paradigme = cesser de pratiquer la science qu'il définit = pivot des révolutions scientifiques.

 

La recherche normale ne cherche pas à trouver la nouveauté capitale, inattendue.




 

Chapitre 5 - Anomalie et apparition des découvertes scientifiques

 

Science → activité qui résout des énigmes → entreprise cumulative → étendre la connaissance scientifique.

 

La science ne se propose pas de découvrir des nouveautés. Quand elle réussit dans sa recherche, elle n'en découvre pas. Et pourtant souvent elle en découvre. Des nouveautés produites par hasard à l'intérieur d'un cadre exigent l'élaboration d'un nouveau cadre. Quand ce nouveau cadre est assimilé, l'entreprise scientifique est changée.

 

La découverte commence avec la conscience d'une anomalie. C’est à dire l'impression que la nature contredit les résultats attendus dans le cadre du paradigme.

L'épisode est clos quand le paradigme est réajusté pour que le phénomène anormal devienne un phénomène attendu.

 

Le fait nouveau devient un fait scientifique quand l'homme de science a appris à voir la nature d'une manière différente. Quand il a relié la chaîne de causalité.

 

La découverte d'un type nouveau de phénomène est un événement complexe qui implique de reconnaître à la fois qu'il y a quelque chose et ce que c'est.

C'est seulement dans les cas où les catégories conceptuelles adéquates sont prêtes d'avance qu'il est possible de découvrir sans effort, ensemble et en un instant, l'existence du phénomène et sa nature.

 

Roentgen découvre les rayons X en faisant des recherches sur les tubes cathodiques. Il obtient des résultats anormaux, imprévisibles dans le cadre du paradigme.
C’est la perception d'une anomalie qui prépare la voie à la perception de la nouveauté.

 

La découverte des rayons X revenait à admettre que d'autres expérimentateurs en avaient produit sans le savoir. Et que ces rayons avaient peut-être joués un rôle dans les résultats d'expériences sans du coup être pris en compte. Donc toutes les expériences devaient être recommencées (=nouveau champ de travail).
De plus, la découverte des rayons X modifiait des spécialités, et refusait donc le statut paradigmatique à certains types d'instrumentations jusque-là employés.
La découverte des rayons X exigea un changement de paradigme pour une partie de la communauté scientifique = changement dans les procédés et dans les résultats prévisibles.

 

La découverte des rayons X a participé à la crise qui a conduit à la physique du XXe siècle.

 

Caractéristiques des découvertes de nouveaux phénomènes :

  1. Conscience antérieure de l'anomalie
  2. Émergence graduelle de sa reconnaissance
  3. Changement des procédés paradigmatiques accompagné de résistance (difficulté de voir en dehors des catégories conceptuelles - voir expériences p. 96)

 

La découverte est achevée quand les catégories conceptuelles sont réajustées, rendant le résultat anormal en un résultat attendu.

 

L'anomalie n'apparaît que sur la toile de fond fourni par le paradigme.

 

Plus la précision du paradigme est grande, plus le paradigme se révèle un indicateur sensible pour signaler les anomalies et amener un changement de paradigme.

 

Un paradigme arrivé à maturité prépare sa propre révolution





Chapitre 6 - Crise et apparition des théories scientifiques

 

“Aussi longtemps que les outils fournis par un paradigme se montrent capables de résoudre les problèmes qu’il définit, la science se développe plus vite et pénètre plus profondément les faits en employant ces outils avec confiance. La raison en est claire. Il en est de la science comme de l'industrie, le renouvellement des outils est un luxe qui doit être réservé aux circonstances qui l’exigent. La crise signifie qu'on se trouve devant l'obligation de renouveler les outils”





Chapitre 7 - Réponse à la crise

 

Si un paradigme se révèle insuffisant à expliquer les phénomènes, il ne sera déclaré sans valeur que si un autre paradigme peut prendre sa place. Les scientifiques ne restent jamais sans paradigme.

 

Rejeter un paradigme c'est toujours en accepter un autre.
Rejeter un paradigme sans lui en substituer un autre, c'est rejeter la science elle-même. C'est comme un ouvrier qui s'en prendrait à ses outils.

 

Quand l'énigme devient un contre-exemple :

Tout problème où la science normale voit une énigme peut être considéré, d'un autre point de vue, comme un contre-exemple et devenir source de crise.

  • Copernic a vu des contre-exemples là où les successeurs de Ptolémée avaient vu des énigmes
  • Einstein a vu des contre-exemples là où Lorentz et Fitzgerald voyaient des énigmes

 

Comment rend-t-on l'anomalie conforme à la loi ?

  • L'objet de la science est de résoudre une énigme dont l'existence même est fondée sur la validité du paradigme. Si la recherche échoue c'est le savant qui est discrédité mais pas la théorie : “A méchant ouvrier point de bon outils”

 

Les étudiants en science acceptent les théories à cause de l'autorité de leurs professeurs, non à cause des preuves. Leur manque de compétences leur interdit le contraire.

 

Les crises se terminent de trois façons différentes :

  1. La science normale finit par résoudre le problème
  2. Le problème résiste, les scientifiques le mettent de côté pour les générations futures qui auront des outils plus développés
  3. La crise se termine par un nouveau candidat au titre de paradigme



Changement de paradigme :

“On manipule les mêmes faits qu'auparavant mais en les plaçant l'un par rapport à l'autre dans un système de relations qui est nouveau parce qu'on leur a donné un cadre différent” (Herbert Butterfield, The Origins of modern science 1949)

 

Les hommes qui ont réalisé les inventions fondamentales d'un nouveau paradigme étaient presque toujours soit très jeunes, soit tout nouveaux venus dans la spécialité dont ils ont changé le paradigme.

 

Les symptômes d'un passage de la recherche normale à la recherche extraordinaire :

  • Prolifération des variantes concurrentes du paradigme
  • Être disposé à essayer n'importe quoi
  • L'expression d'un mécontentement manifeste
  • Le recours à la philosophie
  • Les discussions sur les fondements théoriques





Chapitre 8 - Nature et nécessité des révolutions scientifiques

 

Parallélisme entre révolution politique et révolution scientifique :

  • Les révolutions politiques commencent quand une partie de la communauté a le sentiment croissant que les institutions ne répondent plus aux problèmes posés par un environnement qu'elles ont contribué à créer.
  • Les révolutions scientifiques commencent quand une partie de la communauté scientifique a le sentiment croissant qu'un paradigme a cessé de fonctionner de manière satisfaisante pour l'exploration d'un aspect de la nature sur lequel ce même paradigme a antérieurement dirigé ses recherches.

 

La science n'est pas une entreprise cumulative où une connaissance nouvelle remplacerait l'ignorance. Dans la science, une connaissance nouvelle remplace une connaissance différente et incompatible.

 

Sans adhésion à un paradigme, il ne pourrait pas y avoir de science normale.
Le scientifique doit paradoxalement adhérer au paradigme au-delà même de ce que ce dernier a permis de connaître, sans cela il n'y aurait plus pour le paradigme de proposition d'énigme. Donc la théorie lie étrangement le scientifique a des applications qui n'existent pas encore.
Ce sont les éventuelles anomalies rencontrées qui sont les indicateurs montrant le chemin vers la science extraordinaire.





Chapitre 9 - Les révolutions comme transformations dans la vision du monde

 

Durant les révolutions, les scientifiques voient des choses neuves et différentes, alors qu'ils les regardent avec des instruments familiers et dans des endroits qu'ils avaient déjà examinés.

 

Après une révolution, les scientifiques réagissent à un monde différent.

  • ex : ce qu’ils voyaient comme l'extérieur d’une boîte vue d’en haut, leur apparaît comme son intérieur vu de dessous.

 

En regardant les courbes de niveau d'une carte :

  • L'étudiant voit des lignes sur le papier
  • Le cartographe voit l'image d'un terrain

C’est seulement après un certain nombre de ces transformations de sa vision que l’étudiant devient citoyen du monde de l’homme de science.

 

Donc aux époques de révolution, le scientifique doit réapprendre le monde autour de lui. Dans des situations familières, il doit apprendre à voir de nouvelles formes.

 

On est en droit de penser que quelque chose qui ressemble à un paradigme est indispensable à la perception elle-même.
Ce que voit un sujet dépend de ce qu'il regarde et de ce que son expérience antérieure, visuelle et conceptuelle, lui a appris à voir. En l'absence de cet apprentissage, il ne peut y avoir “qu'une confusion bourdonnante et foisonnante” (William James)

 

Les crises se résolvent par un événement soudain et non structuré. Le terme interprétation ne convient pas à ces éclairs d'intuition qui donnent naissance à un nouveau paradigme. Les scientifiques parlent “d'écailles qui leur sont tombées des yeux” ou “d'un éclair qui a inondé de lumière une énigme obscure”. Parfois, l'illumination se produit durant le sommeil.

 

Le canard lapin (une image qui montre dans la même forme deux formes différentes) montre que deux hommes ayant les mêmes impressions rétiniennes peuvent voir des choses différentes :

 

 

L’original publié en 1892 dans un journal satirique munichois, qui fut par la suite rendu célèbre par Joseph Jastrow



Version contemporaine, je ne sais pas qui a fait celui-là, mais je le trouve vraiment génial



Aucun homme n'apprend à voir le monde fragmentairement, un objet après l'autre. Sauf quand toutes les catégories conceptuelles et pratiques sont préparées d'avance.

  • Pour qu'un enfant dise “maman” il faut qu'il apprenne ce qu'est une maman

 

Les mesures entreprises sans paradigme aboutissent rarement à une conclusion.





Chapitre 11 - Résorption des révolutions

 

Si à chaque fois qu'on se heurtait à une impossibilité d'établir la coïncidence entre la théorie et les données connues il fallait rejeter la théorie, toutes les théories devraient toujours être rejetées.

 

Toutes les théories ayant une importance historique ont été d'accord avec les faits, mais seulement plus ou moins.

 

Les nouveaux paradigmes prennent du temps à être acceptés par la communauté scientifique.

 

“Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas en convaincant les opposants et en leur faisant entrevoir la lumière, mais plutôt, parce que ses opposants mourront un jour et qu’une nouvelle génération familiarisée avec elle, paraîtra” (Max Planck - Autobiographie scientifique)

 

Expériences cruciales :

Expériences qui établissent une discrimination particulièrement nette entre les deux paradigmes.

 

Celui qui adopte un nouveau paradigme à un stade précoce doit souvent le faire au mépris des preuves fournies par les résolutions des problèmes. Une décision de ce genre ne relève que de la foi.





Chapitre 12 - la révolution, facteur de progrès

 

Le terme “science” est réservé à des domaines où le progrès est évident. Nous avons tendance à considérer comme science tout domaine dans lequel le progrès est net.

 

Une définition peut-elle assurer à quelqu'un qu'il est ou n'est pas un homme de science ?

Durant la Renaissance, on n'avait pas le sentiment d'une grande division entre les sciences et les arts (Léonard de Vinci).

 

“Une spécialité progresse-t-elle parce qu'elle est une science ? Ou est-elle une science parce qu'elle fait des progrès ?”

 

L’étudiant en Physique n'a plus à lire les œuvres des fondateurs (Newton, Einstein, Faraday, Schrödinger) car tout ce savoir est récapitulé de manière plus courte et plus précise dans des manuels modernes. Il a une formation étroite et rigide, mais efficace.

 

Quand il répudie un paradigme, le corps scientifique rejette aussi la plupart des livres fondés sur ce paradigme.
Il n'y a rien dans la formation scientifique qui soit l'équivalent du musée artistique ou de la bibliothèque de classique. En résulte une distorsion de la perception que les scientifiques ont du passé de leur discipline (≈ 1984 de Orwell). Une telle pratique favorise l’idée de progrès en ligne droite.

 

Caractéristiques essentielles d’un groupe scientifique et conditions nécessaires pour devenir membre d'un groupe scientifique :

  • L'homme de science doit s'occuper de résoudre des problèmes concernant le comportement de la nature.
  • Il travaille sur des problèmes de détail.
  • Les solutions qu'il trouve doivent être aussi acceptées par un groupe nombreux de spécialistes ayant la même activité professionnelle (il a l'interdiction de faire appel au chef d'État ou à la masse du public pour valider ses solutions).
  • Donc reconnaissance de l'existence d'un groupe professionnel comme seul compétent et arbitre exclusif des réalisations professionnelles.

 

Si la science se développe certainement en profondeur, elle ne se développe pas nécessairement en étendue. Ou, si elle le fait, cette extension se manifeste par la prolifération de nouvelles spécialités scientifiques, plutôt que par la portée d'une seule.

Nous devons donc peut-être abandonner l'idée selon laquelle les changements de paradigme amènent de plus en plus près de la vérité.

 

Nous sommes tous profondément habitués à voir la science comme la seule entreprise qui se rapproche toujours plus près d'un certain but fixé d'avance par la nature.

 

“Comme le langage, la connaissance scientifique est intrinsèquement la propriété commune d’un groupe, ou bien elle n’est pas. Pour la comprendre, il nous faudra connaître les caractéristiques spéciales des groupes qui la créent et l'utilise”

 

- César Valentine -

 

 

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