Heidegger - Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? (1939)


Abrégé de l'article de Heidegger 
Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ?

(écrit en 1939 - publié en 1953)

Résumé abrégé par César Valentine 

 

 

Je conserve ce résumé, bien que certaines formulations me laissent perplexe. J’ai même hésité à le retirer tant le propos de Heidegger m’a paru creux. Mais je vous laisse vous faire votre propre idée. Il est aussi possible que quelque chose m’ait échappé.

 

 

Note : Il est important de rappeler que Martin Heidegger a été membre du parti nazi et que son engagement politique fait l’objet de nombreuses controverses. Mon travail ne porte que sur ses concepts philosophiques développés dans l’article « Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? ».

On peut se demander si, dans un texte comme « Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? », Heidegger ne cherche pas à se justifier. En analysant la vengeance comme fondement métaphysique de la pensée occidentale, il semble déplacer la responsabilité morale vers une structure ontologique plus profonde et impersonnelle, où la faute et la culpabilité deviennent des catégories secondaires. Est-ce une manière d’atténuer la portée de ses propres choix politiques, en faisant disparaître toute responsabilité dans un diagnostic global sur l’Occident ? Ou bien une tentative sincère de comprendre ce qui, dans l’histoire de la pensée (y compris la sienne), a rendu possible une telle violence ? Cependant, s’il s’agissait réellement d’un mea culpa, on pourrait s’attendre à ce qu'il le dise clairement : or, il ne mentionne jamais le nazisme dans ce texte.

Je continue à penser qu’il est important de tout lire, même ce qui dérange, et que la compréhension critique passe aussi par l’étude attentive des auteurs problématiques.

 

Méthode : Ce texte est un résumé du texte de Heidegger, dans lequel j’ai tenté de suivre le cheminement de pensée, en m’arrêtant sur ce qui m’a interrogé. J’ai conservé autant que possible les phrases et les mots de l’auteur, en sélectionnant les passages les plus significatifs à mes yeux, tout en y introduisant parfois des réflexions personnelles qui se mêlent au texte.

De plus, j’ai proposé une courte introduction où j’analyse quelques-uns des termes clés utilisés par Heidegger : l’étant, l’être et le Dasein.



 

DÉFINITION DES TERMES

 

L’étant (Das Seiende)

Tout ce qui est (les choses, les êtres, les idées).

Exemples : une chaise, un animal, un homme, une idée, une théorie…

 

Le Dasein 

Parmi les étants, l’homme est un étant privilégié :

  • Il se pose la question de l’être.
  • Il ne se contente pas d’être, il existe : il se projette, il choisit, doute, il est dans le temps.
  • Il a conscience d’être.

 

Heidegger appelle cet étant le Dasein, pour le différencier des autres étants.

Le Dasein est un mode particulier d’être au monde : c’est un étant qui met son être en question.

 

L’être (Das Sein)

L’être est la condition d’apparition de l’étant ou son mode d’apparition, mais aussi le sens de l’étant. L'être n’est pas une chose ou une essence.

Ainsi, penser l’être, c’est penser ce qui donne sens à l’étant comme étant.

 

 

 

L’ESPRIT DE VENGEANCE

Toute notre manière de penser repose sur une certaine conception de ce que les choses sont, et sur comment elles doivent être. La méditation de l’homme a toujours été la pensée de l’étant sous le rapport de son être : nous cherchons les causes, les raisons.

La douleur doit avoir une cause, une raison, et cette raison devient punition. C’est l’esprit de vengeance : vouloir que tout ce qui arrive soit justifié, rendu, payé. Ainsi, être délivré de la vengeance, ce serait penser autrement notre rapport à l’être. Ne plus chercher dans la douleur la trace d’une faute.



LA CONFUSION ENTRE DOULEUR ET FAUTE

On a toujours confondu douleur et faute. C’est cette confusion que Nietzsche appelle « l’esprit de vengeance ».

 

« Là où est une douleur, doit toujours être une punition. »

 

En somme, la douleur est le signe d’une faute :

  • Si tu souffres, c’est que tu as péché.
  • Si un peuple souffre, c’est qu’il est coupable.
  • S’il t’arrive quelque chose de mal, c’est que tu le mérites.

 

Il faut donc cesser d’interpréter toutes les douleurs comme le signe d’une dette à payer. Ce qui équivaut à se libérer de la pulsion de rendre la douleur obligatoire pour rétablir un ordre. Et donc se libérer de la pensée que le monde est fondé sur la compensation des torts.

Nietzsche met en lumière une structure affective et historique du rapport à la justice, et la place centrale qu’y occupe la douleur comme forme de compensation.



LA DOULEUR COMME PAIEMENT

Or, ce principe d’équivalence des douleurs (tu m’as fait souffrir donc tu dois souffrir) n’est pas naturel : il est hérité d’un monde de dettes. La justice y est pensée comme un échange (une faute = une dette ; la souffrance = le paiement). Mais cela n’apaise rien : cela reproduit la violence dans un cadre légal ou moral.

Donc l’esprit de vengeance, c’est la volonté de faire payer, de rétablir un équilibre par la douleur.



PENSER, C’EST INTERPRÉTER

« L’homme se représente l’étant sous le rapport de son être » : quand l’homme pense une chose, il va au-delà de ce qui est simplement là. Il projette, donne un sens, estime ce que cela devrait être. Il ne se contente donc pas de voir : il structure ce qu’il voit dans l’horizon de l’être. Il prête une intentionnalité aux choses. Toute relation aux choses est ainsi métaphysique.



LA VENGEANCE COMME FONDEMENT DE LA PENSÉE

L’esprit de vengeance a dominé la manière dont nous pensons l’étant. Notre métaphysique est teintée par la structure de la vengeance : nous pensons l’être comme quelque chose qui doit répondre à l’agir humain. Ainsi, tout doit avoir un sens, tout doit être redevable dans le monde. Heidegger appelle cela la métaphysique de la rétribution.

 

La vengeance n’est donc pas un simple thème moral ou un phénomène psychologique.:

  • Elle n’est pas morale, car elle est antérieure à toute morale explicite.
  • Elle n’est pas purement psychologique, car la vengeance structure notre rapport à l’être.

 

Ce n’est donc pas un comportement à corriger, mais un fondement à refonder. Si c’est un fondement, alors changer de fondement équivaut à la constitution d’un nouvel homme.

 

 

LA VOLONTÉ FACE AU PASSÉ

Pour la métaphysique moderne, l’être de l’étant est volonté. La vengeance est le ressentiment de la volonté envers le temps et son « il y avait » (c’est-à-dire le passé). C’est donc un ressentiment de l’être de l’étant.

Le temps et ce qui est passé, et ce qui est passé en moi. Le temps est ce contre quoi la volonté ne peut rien et souffre. Voilà pourquoi la volonté veut son propre passé, son propre « comment cela s’est passé » : c’est faire passer ce qui, tout en étant déjà passé, ne passe pas réellement pour moi.

D’où l’éternité comme prédicat fondamental de l’être (= indépendance à l’égard du temps).

Se libérer de la vengeance, c’est donc se libérer du « non », c’est dire oui au temps, oui au passé. C’est-à-dire être libre pour le « oui ».



COMMENT LE PASSÉ PEUT-IL DEMEURER ?

Mais comment le passé peut-il demeurer ? La réponse serait : qu’il ne s’en aille pas, et que toujours il vienne ; que ce qui passe revienne comme l’identique. Une telle assertion demeure pourtant une énigme.



LA PENSÉE EST UNE ÉNIGME

L'homme d'aujourd'hui pense que le savoir peut être obtenu par la science. Mais la pensée ne peut être ni prouvée ni réfutée par voie logique ou par l’expérience. Elle n’est pas non plus l’objet d’une foi : la pensée est quelque chose qui reste une énigme et qui mérite qu’on s’interroge à son sujet.



CONCLUSION : QUI EST ZARATHOUSTRA ?

Zarathoustra est celui qui enseigne le surhomme et le retour éternel de l’identique. Il veut libérer l’homme de l’esprit de vengeance.

Zarathoustra reste donc une énigme. Mais il en est ainsi de la pensée créatrice : elle reste en arrière de ce qu’elle pense et ne se révèle jamais totalement.






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